John Vuillaume quitte la président du SAEN
John Vuillaume regagne les rangs de la base syndicale, professionnelle et familiale. Après cinq années passées à la tête du SAEN, riches d’avancées sociales, John peut, avec confiance, passer le flambeau à son successeur Pierre Graber.
John est né en Ajoie dans les années de braise du conflit jurassien, dans une famille ouvrière autodidacte, engagée dans cette lutte, mais aussi dans les turbulences de la Tornos, tant à Courgenay qu’à Moutier. Ce n’est donc pas par hasard que le jeune historien se spécialisera dans l’histoire orale, pour faire revivre toute l’épopée de cette histoire industrielle avec son ami Roger Hayoz, entre autres. Dès ses études gymnasiales littéraires et historiques, le jeune Ajoulot intervient avec vivacité, dans le courrier du lecteur du Pays ou du Démocrate, sur les sujets d’actualité brûlante qui ne manquent jamais dans le vieux pays. A 23 ans, il rédige un remarquable mémoire sur l’histoire de l’Hospice du château de Porrentruy, travail souvent utilisé par les professeurs bruntrutains.
Lors de ses études littéraires à Neuchâtel, il édite aussi, pour un public choisi par Montaigne et La Boétie, des textes très divers rédigés par une équipe de copains jurassiens et fiers de l’être, tels Dimitry Queloz, Yan Greppin, Damien Kempf, David Métille ou Pierre Lièvre. Pendant huit ans, de 2002 à 2009, j’ai eu le plaisir de collaborer avec mon ancien élève de la «Canto» au comité de rédaction de la Fonction publique, men- suel qui regroupait les comités des associations et syndicats de l’Union romande et tessinoise. Premier constat d’évidence: la disparition du journal a entraîné, ipso facto, celle de l’Association. Une leçon retenue par nos collègues de l’Educateur, avec lesquels, grâce à John, nous avons toujours travaillé en synergie. Les journaux syndicaux relient tous les membres, dialoguent directement ou indirectement avec les princes qui nous gouvernent, proposent et critiquent, permettent des compromis. Avec John, j’ai eu le plaisir de rencontrer la plupart des décideurs politiques et syndicaux romands, lors d’entretiens de longue durée, qui nous ont permis d’aller plus loin avec eux. Nous avons pu constater à quel point nos représentants aux Chambres fédérales étaient – dans leur grande majorité – sérieux, honnêtes et travailleurs.
Grâce à nos contacts, nous avons pu annoncer l’émergence du canton de Fribourg dans la vie politique suisse avec des gens comme Levrat, Berset, Schwaller, Rime, Fasel. Dans notre mensuel, l’éditorial était confié aux divers collaborateurs de tous cantons et de toutes sensibilités. Parmi les textes de notre ami, je mentionnerai celui qu’il a consacré à la dénonciation des journaux «gratuits qui allaient tuer la démocratie», celui qui évoquait le danger de la communication comme substitut au dialogue et un important article de fond sur la défense de la fonction publique. Après avoir décrit les manifs bruyantes de casseroles, il se demande si, à l’instar du Canada, il ne faudrait pas organiser des journées «portes ouvertes de l’administration et de la fonction publique», pour discuter avec la population de ses attentes et recevoir – cas échéant – les critiques du public. «Pour redorer l’image de la fonction publique, il me paraît également souhaitable que leurs syndicats deviennent de véritables forces de propositions, alors qu’ils apparaissent aujourd’hui comme des organisations réactives, ayant toujours un coup de retard sur leurs agresseurs. Il faut apprendre à anticiper, reprendre la main, mener le combat plutôt que de le subir systématiquement.
Attaquer dans l’enthousiasme, plutôt que de se résoudre à manifester sa réprobation quand il est trop tard.» A l’instar de notre sénateur neuchâtelois Berberat, nous pensons que ce défi social lancé à notre société «peut être relevé si nous travaillons en synergie avec les syndicats, qui, dans leur immense majorité, sont bien disposés à notre égard», et flûte pour les dinosaures qui attendent, chaque jour, le matin du grand soir… Dans la lutte qu’il a menée contre son ministre de tutelle, M. Gnaegi, John a su être ferme, mais assez réaliste pour obtenir de substantielles avancées: le SAEN est devenu un partenaire incontournable pour les diverses autorités scolaires neuchâteloise et la revalorisation salariale dans les deux premiers cycles HarmoS, par exemple, n’est, aujourd’hui, plus une vue de l’esprit.
Il serait fastidieux de citer tous les politiques et intellectuels que nous avons soumis à la question: mentionnons simplement Tariq Ramadan, Burkhalter alors conseiller communal, Studer à maintes reprises et surtout Andi Gross avec qui nous avons créé, en 2005, le Séminaire, qui perdure encore et où se réunissent des amis critiques de la démocratie directe, et qui animent, de plus, une petite maison littéraire à Saint-Ursanne: les Editions du Doubs. Le Club 44 nous a apporté de sublimes plaisirs intellectuels, avec des orateurs comme J.-F. Kahn, Jacques Attali, Susan George, Emmanuel Todd, dont nous avons présenté les thèses et les ouvrages à nos lecteurs. Nous avons mené trois enquêtes approfondies qui ont suscité bien des remarques de nos lecteurs et lectrices. La première consacrée à la question explosive de la libéralisation du cannabis avec des entrevues avec le commissaire Guéniat, des médecins et assistants sociaux et une plongée dans le monde interlope de Rappaz et de ses lieutenants qui se sont battus comme des chiffonniers en notre présence… pour se partager le bout de gras.
Le deuxième reportage important fut réalisé dans la fameuse République du Saugeais, à un jet de pierre de Pontarlier: une odyssée dans la France profonde avec ses onze villages, ses fromages, ses saucissons, ses tuyés, ses sous-préfets d’opérette, son curé vraiment réac, ses fanfarons et ses douaniers en verve. Au sommet de la pyramide: dame Jeanne Pourchet, Présidente à vie (elle a tenu jusqu’à ses 100 ans et fut remplacée sur-le-champ par sa fille Jeannette, à ce jour âgée de 79 ans). Dans ses parages, notre ami Jean-Marie Nicod, un pays rougeaud et rabelaisien, Premier Ministre à vie, aussi, qui, pour profiter de cet illustre privilège, a dû mettre – un peu – la pédale douce et remplacer les roboratifs banquets républicains par un régime de carmélite; thé-miel et épinards à l’eau ferrugineuse et acratopège.
Une autre série d’articles nous a apporté de grands plaisirs et quelques ennuis: celle que nous avons consacrée à la défense de notre collègue instituteur du Pâquier, Gilbert Hirschi, victime d’une cabale rondement menée et lâché par une ministre de tutelle notoirement incompétente, comme la suite de l’histoire le prouvera. Une petite séance au tribunal de Boudry: les risques du métier…
Sous peu, sortira le film d’Yves Yersin Tableau noir qui sera en quelque sorte l’apothéose pour cet instit émérite de chez nous, gloire de toute la profession.
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