VD : Vers une diminution du nombre de prafos ? - 03/2023

VD : Vers une diminution du nombre de prafos ?

Que se passe-t-il avec l’attribution des stages aux prafos ? Depuis le début de l’année scolaire, une certaine confusion règne dans la gestion des stages. Si l’on peut comprendre que l’articulation prafo-stagiaire doit être effectivement un casse-tête, plusieurs évènements laissent à penser que la désorganisation n’est pas loin d’un grabuge.

 

 

Premièrement, alors que les stagiaires avaient été attribué·es pour la rentrée, plusieurs prafos ont signalé que, soudainement et de manière imprévisible, on leur avait retiré le/la stagiaire attribué·e pour le/la placer dans une autre classe. Certain·es PF se sont donc retrouvé·es sans stagiaire ( ou avec une seule personne ). Conformément à la décision 159 du DFJC du 29 juin 2017 ( à propos du statut des prafos dans les établissements partenaires de formation ), les prafos ont été contraint·es de remplir d’autres missions. On imagine aisément le désarroi engendré. On imagine également ce que ça doit être d’accueillir un·e remplaçante en même temps que ces propres élèves et de gérer ces deux activités simultanément. Les rumeurs indiquent qu’environ 130 personnes sont dans la situation actuellement.

Deuxièmement, nos collègues sont plusieurs à avoir été informé·es en conférence des maitres·ses que pour la rentrée prochaine, l’attribution de stagiaires ne serait plus automatique. La raison principale évoquée est une diminution de PF, notamment en 5-8P. Ainsi, la Direction générale de l'enseignement obligatoire (DGEO) est en train de développer des critères de sélection des PF. Par exemple, être employé·e à plus de 50 % ( actuellement il faut exercer au moins à 50 % ) ou encore travailler le mardi et le jeudi. Conséquences ? Pour certaines personnes, cela signifie une modification de leur horaire et par ricochet, de l’organisation familiale. Pour d’autres personnes, cela implique d’avoir été formé·e inutilement, puisque travaillant les lundi et jeudi, elles ne pourront exercer l’activité de prafo. Il est à relever que certaines directions ont déjà demandé des dérogations de ces conditions pour leurs prafos. Une collègue en fin de formation évoque une certaine frustration et se demande si elle n’a pas suivi la formation « pour rien », ce qui serait dommage. Elle questionne également le cout d’une telle opération.

L’une des raisons de ces changements est peut-être à chercher dans le rapport de la Cour des comptes de juin 2022 qui a mis en évidence des conséquences financières probables des décharges octroyées mais non consacrées à l’encadrement des stagiaires, sans toutefois pouvoir chiffrer clairement d’éventuels manques. Une certaine opacité règne donc sur l’usage des périodes de décharges accordées. Une autre raison pourrait être le fait d’une diminution du nombre effectif de stagiaires 5-8 à la rentrée, alors qu’on signalerait une augmentation pour les 1-4. Ceci n’est cependant pas confirmé à l’heure actuelle. Le bruit court toutefois à la HEP que le nombre de PF engagés dans le CAS PF l’an prochain serait en diminution par rapport aux années précédentes.

 

Interview de Soraya De Simone, chargée d’enseignement et coordinatrice d’un module de formation des praticiennes formatrices et praticiens formateurs ( désormais PFs ) à la HEP Vaud.

 

Pourquoi former les prafos ?

Les PFs constituent la clé de voute de la formation pratique à l’enseignement. Il est donc important de bien les former. Les trente dernières années de recherche à ce sujet pointent d’ailleurs les effets d’une absence de formation dédiée à l’accompagnement des novices. Les futur·es enseignant·es vont exercer en moyenne une vingtaine d’années, cela vaut donc la peine d’investir et de fournir suffisamment de ressources pour ce travail d’accompagnement et de guidage des stagiaires par les PFs, car il y a peu de possibilité de contrôle et de régulation à ce propos par la suite, dans les établissements scolaires. En fonction des cantons, il existe néanmoins une commission de PFs, par exemple en Valais. Cette commission valaisanne des PFs, travaillant au primaire, fonctionne d’ailleurs comme soutien, conseil et régulation entre acteurs de l’institution de formation et le terrain. Actuellement, une telle instance n’existe pas dans le canton de Vaud.

 

Quel est le parcours de formation des PFs à la HEP Vaud ?

La formation s’étend sur deux ans, organisée autour de cinq modules. Le premier module, introductif, sert un peu de « kit de survie », pour appréhender par exemple les documents institutionnels de la HEP ( le contrat de fonctionnement entre stagiaire et PF, les échelles descriptives, etc. ) et le fonctionnement général de l’accompagnement des stagiaires. Les PFs reçoivent tout de suite des stagiaires, ce qui leur permet de faire immédiatement sens à la formation, mais qui est assez stressant à vivre. Par la suite, différentes thématiques sont abordées dans les modules, par exemple l’accompagnement et le guidage des stagiaires, la régulation et l’évaluation de la pratique enseignante. Des analyses d’entretiens issues du travail réel des PFs sont réalisées. Des options sont proposées, comme l’écriture biographique ou les entretiens d’explicitation. On cherche à développer une posture de mentorat, c’est-à-dire de celui ou celle qui transmet un métier à autrui. Elle est validée par une certification, sous la forme d’un CAS ( Certificate of Advances Studies ) qui équivaut à dix crédits pour environ 300 heures de travail ( en institution et de manière individuelle ).

 

Quel est l’intérêt d’une telle formation ?

Telle que construite actuellement, la formation porte sur les caractéristiques et spécificités de la transmission « d’un métier à autrui » dans un contexte d’alternance. On a parfois tendance à penser que parce que les personnes sont des expertes en enseignement, cela suffirait à transmettre les gestes du métier, les manières de penser et d’agir enseignantes. Comme déjà évoquées avant, différentes recherches anglophones et francophones étudiant le mentorat depuis plus de trente ans montrent que ce n’est pas le cas. Spontanément, sans formation, les enseignant·es accompagnant les futur·es enseignant·es ont tendance à soutenir majoritairement le développement émotionnel, affectif des stagiaires et renforcent à leur insu une certaine collégialité entre novices et expert·es. Un biais de compassion peut d’ailleurs s’immiscer dans les échanges entre stagiaires et PF prétextant un rapport égalitaire. Alors qu’à l’inverse, ils et elles ont tendance à se montrer en modèle, à donner les trucs du métier, les tours de main, ce qui marche bien sans en expliciter les enjeux. Ce constat traduit d’ailleurs la mobilisation d’une posture plus directive et prescriptive de la part de ces PFs. Or ce n’est pas suffisant pour développer et soutenir la réflexion en profondeur des stagiaires, c’est-à-dire de leur développement métacognitif et leur agir professionnel au service des apprentissages des élèves. Ainsi, lorsque l’on revêt ce rôle d’accompagnement, il s’agit d’être en mesure de « déplier sa pensée » comme le dit ma collègue Isabelle Truffer Moreau, afin d’expliquer les raisons qui président aux propositions efficaces des actions professionnelles. D’ailleurs ce point concerne aussi les formatrices et formateurs de l’institution qui effectuent des visites de stage ponctuelles.

 

Quelles sont les limites de cette formation ?

Elles sont plutôt structurelles ou institutionnelles. Par exemple ce semestre, les PFs devront se présenter à trois examens, ce qui représente beaucoup de stress et de travail de manière ponctuelle. La coordination entre les modules pourrait être renforcée. D’ailleurs, il est prévu de réguler ces dimensions dans la nouvelle mouture, actuellement en préparation. On pourrait également soutenir de manière plus importante les « formateurs de formateurs » d’institution à la transmission du métier à autrui en tant que tel.

 

Où en est-on par rapport à la formation continue spécifiquement destinée aux PFs ?

Il existe une offre en ligne, mais on constate que la formation continue des PFs rencontre peu de succès. Cela peut s’expliquer par un cahier des charges d’enseignant·e assez lourd, la question du multi-agenda enseignant étant considérée comme une priorité. Un autre point en lien est peut-être que les enseignant·es choisissent d’abord de se perfectionner au niveau des compétences d’enseignement, leur premier métier, et ont moins de temps à consacrer à la formation continue du rôle de PF. Peut-être qu’ils et elles ne perçoivent pas le sens de continuer à développer leurs connaissances au mentorat. Donc, une fois leur CAS en poche, la priorité est ailleurs. Néanmoins, en lien avec cette question, lorsque les PFs terminent leur formation, ils·elles affirment avoir envie de continuer des analyses de pratiques ou poursuivre des supervisions régulières de leur travail de PF, mais par manque de temps, ils·elles y renoncent. 

 

  Sandrine Breithaupt

 

 

1 Voir notamment les travaux de Balslev, 2016 ; Chaliès et al, 2009 ; Chaliès, 2016 ; De Simone, 2029, 2021 ; Feinman-Nemser, 1987 ; Hennissen et al, 2008 ; Hudson, 2016 ; Timperley, 2011 ; etc.

Les numéros complets de la revue, les dossiers pédagogiques et les articles qui les constituent peuvent être consultés par les abonné·es connecté·es.
Faute d’abonnement, il est possible de les obtenir au format PDF. [Numéro ou Dossier : 11 CHF; Article : 2 CHF.]
Si disponibles, des éditions imprimées des numéros de la revue peuvent être commandées à secretariat@revue-educateur.net.

S'abonner Accéder au numéro complet

SER

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 59 60

ser@le-ser.ch

CONTACTS

Bureau du Comité du SER

David Rey, président Tél : 079 / 371 69 74

d.rey@le-ser.ch

Olivier Solioz, vice-président

o.solioz@le-ser.ch

Pierre-Alain Porret, SG nommé

p-a.porret@le-ser.ch

Administration

Véronique Jacquier Darbellay

v.jacquier@le-ser.ch

Educateur

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 58 80

secretariat@revue-educateur.net

Rédactrice en chef

Nicole Rohrbach Tél : 078 / 742 26 34

redaction@revue-educateur.net

Prépresse et régie publicitaire

Sylvie Malogorski Défago Tél : 027 / 565 58 43

communication@revue-educateur.net