SEJ : Vers une école inclusive sans moyens ? - 03/2023

SEJ : Vers une école inclusive sans moyens ?

Dans le dernier Educateur, le Comité central a fait part de son inquiétude quant à des décisions en lien avec la mise en place des structures d’enseignement spécialisé. Il est tout de même surprenant de constater que les soucis manifestés voici exactement onze ans dans un billet du soussigné soient toujours d’actualité. Reprenons brièvement.

 

 

Dans le domaine de l’intégration, ou l’inclusion, d’élèves à besoins particuliers dans les classes ordinaires, nous constatons quelques paradoxes. Nombre de recherches ont démontré que cette démarche à des effets positifs sur ces élèves. Les enseignant·es en sont conscient·es, mais ne peuvent s’empêcher de faire part d’un certain scepticisme quant à la mise en pratique, aujourd’hui comme en 2012.

Comment expliquer ce paradoxe entre l’accord de principe à la politique d’intégration scolaire et le scepticisme, voire l’opposition, dans le terrain, à la concrétisation de ce principe ? Quelques pistes de réflexion toujours valables depuis 2012.

La multitude des handicaps désormais identifiés sont sans doute à l’origine de ce décalage. Les prises en charge, par exemple, des différents élèves « dys », d’élèves malvoyant·es ou malentendant·es, d’élèves à hauts potentiels, d’élèves atteint·es de troubles du spectre autistique, d’élèves provenant d’institutions et intégré·es partiellement, etc., ne se font pas de manière identique pour tous et toutes. Des stratégies spécifiques à chaque particularité doivent être développées. La différenciation est devenue la manière de fonctionner des enseignant·es. Mais là aussi, les limites, dans une classe ordinaire, se manifestent clairement. Sans soutien réel, il est devenu impossible à l’enseignant·e de répondre à l’ensemble des besoins spécifiques identifiés. Les enseignant·es ordinaires se sentent toujours démuni·es pour apporter les bonnes réponses au bon moment. Un soutien fort et continu d’enseignant·es spécialisé·es s’impose. Selon les nombreux témoignages qui nous parviennent, encore et toujours depuis onze ans, si ce soutien existe, il est largement insuffisant.

Pour qu’une intégration soit réussie, il ne faut pas simplement que les effets soient apparemment positifs pour les élèves concernés. Si je précise « apparemment », c’est que le fait qu’un·e élève, qui bénéficie de mesures de différenciation, atteint péniblement la moyenne dans une branche notée, ne doit pas être considéré comme une réussite. Il s’agit bien d’un moyen pour éviter un découragement de l’élève qui risquerait d’être sanctionné·e par des notes largement insuffisantes. Obtenir une moyenne de 4 en ne devant que réaliser le tiers ou la moitié des exigences imposées aux autres élèves ne doit pas faire disparaitre la nécessité d’une prise en charge plus importante par un·e professionnel·le formé·e à cet effet.

Au risque d’enfoncer des portes ouvertes, mais qui paraissent fermées actuellement, le rôle de l’enseignant·e ordinaire est de se soucier de sa classe. Celui de l’enseignant·e spécialisé·e est de se soucier de l’élève à besoins particuliers.

Lorsque l’enseignant·e ordinaire doit assumer les deux rôles, le risque est grand que son implication soit disproportionnée et ait deux conséquences importantes : sa santé est mise en danger et une forme d’exclusion sournoise s’installe dans sa classe. En effet, le temps consacré à assurer l’intégration d’un·e ou plusieurs élèves est pris sur celui nécessaire au soutien traditionnel qu’il ou elle doit apporter aux élèves éprouvant des difficultés non médicalisées. L’enseignant·e ordinaire risque de ne plus respecter les droits des élèves ordinaires et de ne plus jouer pleinement son rôle visant à corriger les inégalités des chances. Les parents d’élèves à besoins particuliers ont généralement deux revendications tout à fait légitimes. Ils ne veulent plus que leur enfant soit stigmatisé·e en étant intégré·e à une structure spécialisée et identifiée comme telle. Ils veulent aussi que leur enfant vive une scolarisation ordinaire, mais avec une prise en compte de ses besoins particuliers. Où les problèmes naissent, c’est lorsque cette double attente doit être garantie par l’enseignant·e ordinaire.

Le Canton du Jura n’a pas voulu d’une école inclusive, où l’intervention dans les classes de spécialistes aptes à prendre en charge les élèves à besoins particuliers est garantie et permanente, ceci pour des raisons financières. Mais n’acceptons pas que cette recherche maladive d’économies entraine ce que nous constatons depuis quelque temps, un transfert des cas très lourds vers les classes ordinaires, parce qu’il n’y a plus de places dans les structures devant normalement les accueillir. Cette formule d’école inclusive sans moyens pourrait se transformer en école explosive. •

 

Rémy Meury, secrétaire général du SEJ

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