SEFFB : Bilinguisme – « L’anglais est un trait d’union superficiel » - 1/2023

SEFFB : Bilinguisme – « L’anglais est un trait d’union superficiel »

Bilinguisme

« L’anglais est un trait d’union superficiel »

 

Les filières bilingues ont de plus en plus la cote dans les écoles du pays. Sont-elles la panacée ? État des lieux avec la directrice du Forum du bilinguisme basé à Bienne, Virginie Borel.

 

 

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«L’anglais est un trait d’union superficiel. Les  langues nationales constituent une richesse que nous ne devrions pas galvauder sous prétexte de la difficulté de les apprendre.»

 

 

 

Actuellement, quatre filières sur cinq se trouvent au niveau du secondaire II et à peine un cinquième à celui de l’école obligatoire. Comment expliquer ce déséquilibre ?

Virginie Borel : Cette situation est somme toute assez logique vu que c’est dans les lycées et gymnases qu’ont été identifiées les premières filières bilingues en 1989. Ceci pour deux raisons principales: les filières gymnasiales sont considérées – à tort ou à raison - comme réservées à une sorte d’« élite ». Le secondaire II n’est en outre pas tributaire d’un plan d’études normé comme c’est le cas pour l’école obligatoire et peut donc se permettre de proposer des formes différentes d’enseignement.

 

Sachant que l’apprentissage des langues est plus facile quand on est jeune, ne faudrait-il pas, justement, développer les filières bilingues dès l’école obligatoire ?

C’est scientifiquement validé en effet, mais pas évident à mettre en œuvre pour deux causes majeures : le manque d’enseignant·es d’une part et l’existence de plans d’études exigeants en termes d’objectifs à atteindre d’autre part. Dans les faits, Bienne la bilingue a joué les précurseurs avec une filière bilingue réciproque à l’école obligatoire depuis 2010. Si celle-ci fait ses preuves, elle est plus couteuse qu’une filière monolingue et nécessite une collaboration accrue des enseignant·es romand·es et alémaniques. La ville de Berne propose également une filière bilingue du même type depuis 2019 alors qu’à Fribourg, les deux premières classes bilingues ont débuté en 2021 pour une phase test de trois ans. Dans le canton de Neuchâtel, PRIMA existe depuis 2011 dans différentes écoles …

 

La multiplication des filières bilingues ne risque-t-elle pas de réduire les langues à leur aspect utilitaire, alors que l’apprentissage d’une langue, c’est aussi connaitre son histoire et sa subtilité ? Plus crument : n’y a-t-il pas un risque de nivèlement par le bas de l’apprentissage d’une autre langue ?

Je ne le pense pas. L’idée est d’ailleurs une sensibilisation accrue aux langues dans leurs différents aspects, y compris culturels. Mais il faut souligner que les filières bilingues sont un instrument parmi d’autres pour l’enseignement renforcé des langues en milieu scolaire. Je pense ici par exemple aux différents projets d’échanges linguistiques, aux tandems linguistiques, aux séquences d’enseignement ponctuelles, ou encore d’une ou deux disciplines enseignées toute l’année dans la langue cible …

 

A-t-on la certitude que les enseignantes et les enseignants travaillant dans ces filières bilingues ont vraiment les compétences linguistiques suffisantes pour s’acquitter d’une telle mission ?

C’est clairement un des freins au développement de ces filières, surtout lorsqu’il s’agit de langues nationales, raison pour laquelle il s’agit de donner les outils nécessaires aux enseignantes et enseignants pour se sentir à l’aise dans cette forme d’enseignement. De manière générale, il s’agit de s’assurer que les enseignant·es sachent transmettre le plaisir de la langue enseignée aux élèves ! La HEP BEJUNE, en étroite collaboration avec la PH Bern, propose un diplôme en formation bilingue pour le primaire.

 

Le nombre d’élèves fréquentant une filière bilingue en anglais ne cesse d’augmenter. Faut-il s’en réjouir ?

Au contraire ! Dans un pays plurilingue comme la Suisse qui compte trois langues continentales, je pense plutôt que cette tendance devrait nous alerter ! Le fait que les filières bilingues avec des langues nationales soient presque exclusivement présentes le long de la frontière linguistique devrait interpeler les autorités politiques. L’anglais, langue utilitaire mais qui ne véhicule aucune de nos cultures nationales, se porte bien et ne nécessiterait fondamentalement pas un soin particulier …

 

Ce phénomène est particulièrement fort en Suisse alémanique. N’existe-t-il pas un risque réel d’assister à terme dans ces régions à une marginalisation de l’apprentissage des autres langues officielles que sont le français et l’italien ?

Clairement, ce risque existe. Raison pour laquelle nous avons souhaité disposer d’un état des lieux sous la forme de cet inventaire afin d’approcher les milieux politiques sur une base concrète: voulons-nous promouvoir la cohésion nationale ? Si oui, celle-ci passe par la promotion de nos langues et cultures qui sont par ailleurs au cœur des activités des PME de notre pays.

 

Mais n’est-ce pas un combat « d’arrière-garde » que d’attendre des élèves en formation d’être capables de maitriser au moins une autre langue officielle ? L’anglais ne pourrait pas leur servir de nouveau trait d’union ?

La tendance est en effet celle-ci : on recourt à une lingua franca assurément utilitaire, mais qui n’est porteuse d’aucune de nos cultures. Avec l’anglais, le trait d’union est superficiel. Or, les langues constituent une richesse, instrument de démocratie puissant que nous ne devrions pas galvauder sous prétexte de la difficulté de les apprendre …

 

Quelques membres des Chambres fédérales songent à proposer de modifier la Constitution fédérale afin de faire de l’anglais une langue officielle ( mais pas nationale ! ). Que vous inspire cette proposition ?

Je trouve cela bien triste de s’assoir sur les valeurs de base de la Suisse : nos langues nationales ne représentent pas uniquement un instrument de communication, mais sont également porteuses de nos cultures, de nos modes de penser le monde. Favorisons plutôt l’intercompréhension dans nos langues nationales, redonnons le plaisir de les apprendre à tous les moments de la vie !

 

Mohamed Hamdaoui

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