Nous vous en parlions déjà dans ces colonnes il y a un an ( voir notre billet dans l’Educateur de janvier 2023  ). Le groupe de travail dédié y avait passablement travaillé, pesant le pour et le contre des deux scénarios qui avaient été définis, répondant aux doux noms de « 10+4 » et « 11+4 ». Nous attendions pour ce printemps un débat scolaire, public et politique enflammé, pour lequel chacun·e aurait peaufiné ses meilleurs arguments. Le SAEN avait pris contact avec de nombreuses personnes et avec tous nos partis politiques pour les sensibiliser à cette question importante. Tout était prêt, sauf que …

Nous aurions dû l’anticiper quand même. En effet, nos voisins, sous la direction de Frédéric Borloz, en avaient parlé dès la rentrée scolaire. Mais nos réalités démographiques, scolaires et budgétaires étant passablement différentes de celles du canton de Vaud, nous n’y avions prêté qu’une attention distante.

Surprise ! À la mi-mars, la cheffe du DFFD – Département de la formation, des finances et de la digitalisation, convoquait la presse pour lui présenter le rapport du Conseil d’État concernant l’évolution de la maturité gymnasiale dans le canton de Neuchâtel. Et cela avant même d’en avoir informé les partenaires sociaux, lesquels ont reçu cette communication juste quelques heures avant les journalistes.

On apprend dans ce document, au demeurant très bien rédigé en ce qui concerne l’analyse de la situation, avec les avantages et inconvénients de chaque option prévue présentés de manière rigoureuse et relativement impartiale, que le CE a opté pour … un système mixte.

Fort bien … Mais là, les choses se gâtent : on a beau relire avec une attention soutenue les dernières pages du document, il est fort difficile de se faire une idée de ce que pourrait bien être ce fameux système … En gros, on nous dit que : « D’une certaine manière, ce système mixte fait se rencontrer les objectifs des 2 systèmes 10 + 4 et 11 + 4 en matière de forces et d’opportunités et vise à réduire leurs faiblesses et menaces respectives ». Nous voilà complètement rassuré·es !

Par chance, le CoPil « Maturité en 4 ans » avait une rencontre prévue la semaine suivante. Nous avons donc pu chercher à découvrir ensemble quelle était l’intention réelle de nos autorités. Celle-ci devrait permettre aux jeunes intéressé·es par une carrière universitaire d’obtenir leur maturité fédérale en 14 années, comme aujourd’hui. Elle devrait aussi préserver une scolarité obligatoire « normale » pour celles et ceux qui se destinent à une formation professionnelle.

Nous aurions donc « 10 + 4 » pour la voie académique, ce qui nécessiterait de terminer le cycle 3 en deux ans, au lieu de trois actuellement. Mais le cycle 3 serait maintenu en trois ans pour la voie professionnelle. Voilà pourquoi le système est dit « mixte », puisqu’il fait cohabiter deux cursus.

De nombreuses questions nous assaillent … Comment parvenir à résoudre cette équation bourrée d’inconnues avec le système actuel sans filières du cycle 3 ? À quel moment les élèves devront-ils·elles faire leur choix afin de pouvoir s’y investir correctement ? Va-t-on interdire l’accès au lycée pour les élèves qui auront terminé leurs 11 années d’école obligatoire en dépassant largement les attentes fondamentales du PER ? Comment l’école va-t-elle mettre en place tout ceci ? Et enfin, que fera-t-on avec tous·tes les élèves qui hésitent, qui ont des difficultés, qui doivent redoubler, qui manquent de motivation, qui auraient besoin d’un peu plus de temps pour terminer leur scolarité obligatoire ? En comparaison avec la dynamique actuelle qui tend à privilégier ( notamment aux cycles 1 et 2 ) l’approche par compétences et par différenciation maximale, cette accélération des choix et des objectifs à atteindre au cycle 3 nous semble contradictoire et effrayante.

Le comité SAEN a accueilli avec une certaine froideur et beaucoup d’interrogations cette décision qui, en réalité, n’en est pas une puisqu’elle ne résout rien. Seule certitude, tout est à inventer, et le temps disponible n’est pas des plus généreux, même si dix ans nous séparent de sa mise en œuvre.

Comme d’habitude, nous nous engagerons avec fermeté pour défendre les intérêts des élèves, de leurs enseignant·es et de l’école. Il est très important que chaque personne qui « fait vivre l’école » chaque jour sur le terrain puisse s’exprimer et prendre part à ce projet.

Le SAEN a soutenu la réforme du cycle 3 ( même si elle est imparfaite et pas encore totalement aboutie ) particulièrement parce qu’elle semblait améliorer l’égalité des chances pour tous·tes les élèves en supprimant les filières séparées. Nous avons de fortes craintes que le fameux système mixte présenté ne pousse à recréer deux filières séparées au cycle 3, encore plus hermétiques que par le passé. L’esprit de la réforme du cycle 3 plébiscitée par les député·es il y a seulement dix ans semble oublié, voire trahi …

Cette évolution de notre école vous interpelle ? Vous désirez nous faire part de vos suggestions, souhaits ou questions ? Contactez-nous ! 

Pierre-Alain Porret, président du SAEN