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Échange linguistique via téléconférence : le ressenti d’élèves du Cycle d’orientation 1

 

Les échanges linguistiques constituent une étape importante dans l’apprentissage d’une langue. Pendant la pandémie, le Cycle d’orientation, niveau secondaire I, des Voirets à Genève, a organisé des échanges avec des classes germanophones via visioconférences. À l’issue de l’expérience, les élèves ont été interrogé·es sur leur ressenti. Leurs témoignages sont un plébiscite à multiplier les échanges.

 

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Le dispositif

Près de nonante élèves, réparti·es dans quatre classes de 10e et 11e année, de 13 à 15 ans, ont répondu par écrit à un questionnaire sur leur ressenti lors de l’échange linguistique.

L’échange consistait à passer trois demi-journées en communication synchrone avec une classe germanophone. Les élèves, réparti·es par groupe de quatre – deux francophones, deux germanophones – réalisaient des activités communes dans leur langue maternelle ou leur langue d’apprentissage, soit l’allemand pour les Genevois, le français pour les germanophones.

Il faut imaginer la salle de classe avec une dizaine de visioconférences simultanées, chaque élève disposant d’une tablette numérique et utilisant l’application de visioconférence Meet, de la plateforme officielle d’enseignement.

 

Les réponses des élèves

Les résultats de ce sondage constituent une étude exploratoire qui pourrait donner lieu à une recherche scientifique. Les citations des élèves sont reproduites en version originale.

Les élèves sollicité·es comptent 6-7 ans d’apprentissage de l’allemand et évoluent dans un environnement socioculturel où, à l’exception de l’école, ils et elles n’entendent jamais parler cette langue.

Pour la première fois lors de l’échange, les élèves ont parlé allemand avec une personne germanophone ( 60 % des réponses ).

C’est le moment ( pendant l’échange ) où je me suis vraiment rendu compte que l’allemand est une langue qui se parle.

Pendant l’échange, les élèves ont trouvé difficile la production orale ( 50 % des réponses ) et notamment le fait de parler « correctement ». La compréhension, quant à elle, a posé moins de difficultés que la production orale ( 19 % des réponses ).

Par contre, ce qui a été difficile pour moi c’est le fait que j’ai des difficultés en allemand alors je n’arrivais pas bien à m’exprimer. J’avais plein de choses à lui dire et je voulais beaucoup parler, mais je n’arrivais pas à formuler des phrases correctes. Ma correspondante n’était pas non plus très forte en français alors on ne faisait que rire parce qu’on ne comprenait pas tout ce qu’on disait.

Un point minoritaire, mais intéressant a émergé : plusieurs élèves ( 6 % des réponses ) ont évoqué la difficulté d’établir une relation, de créer le lien avec l’autre.

Au début j’ai trouvé que c’était difficile de commencer une conversation et je ne savais pas quelle langue parler. Alors pendant un moment nous sommes restées silencieuses et j’ai trouvé ça un peu gênant.

Baigné·es pour la première fois dans un contexte germanophone, les élèves ont été surtout surpris·es par des éléments linguistiques ( 74 % des réponses ). Ils·elles sont étonné·es de pouvoir communiquer en allemand et de constater que leurs connaissances linguistiques scolaires ont un véritable effet sur les correspondant·es.

Progressivement, nous avons réussi à avoir de vraies conversations et à nous comprendre, ce qui était plutôt surprenant.

Ce qui m’a surpris était que j’arrivais à sortir des phrases, que je ne pensais pas avoir le niveau ( je me pensais plus nul que je le suis ). Ce qui m’a aussi surpris, c’est que je pensais que les Allemands et nous, connaitrions à peu près les mêmes choses ( livres, films, jeux ), mais pas du tout.

Ces réponses sur le contexte linguistique contiennent souvent ( 42 % des réponses ) des comparaisons linguistiques entre germanophones et francophones, et portent sur l’aisance, la rapidité d’élocution, l’accent dans la langue cible, entre autres.

Ce qui m’a surpris le plus c’était que mon correspondant parlait assez bien français et j’étais choqué car j’ai un peu de difficulté en allemand.

Les élèves découvrent leurs capacités en situation réelle de communication, mais ils·elles réalisent aussi qu’ils·elles sous-estimaient leurs compétences en allemand ( 51 % des réponses ).

J’ai un meilleur niveau que ce que je pensais.

( J’ai découvert ) une facilité à créer des phrases sur le moment.

J’ai découvert que j’avais un peu plus de vocabulaire que ce que je pensais.

Ils ( les élèves germanophones ) m’ont dit que j’avais un bon accent allemand.

Ce qui m’a surpris c’est la fluidité de la discussion.

Un groupe non négligeable se surprend de faire aboutir la communication par différents moyens et met en avant sa débrouillardise ( 17 % des réponses ).

J’ai découvert que je me débrouillais bien en allemand et que même si je ne trouvais pas toujours les mots, je m’en sortais pratiquement tout le temps.

D’autres ( 13 % des réponses ) cernent leurs limites linguistiques.

( Je vais ) apprendre plus de mots de tous les jours ou mots de liaison qu’on n’apprend pas forcément.

Pour une grande majorité des élèves, cette expérience va modifier leur apprentissage ( 66 % des réponses ) : ils·elles veulent améliorer leur production orale et la prononciation, rechercher des opportunités de parler la langue ou réaliser un échange individuel.

Il faut que je communique plus, car ça rentre mieux et il faut que je m’entraine à sortir des phrases du tac au tac, entrainer ma communication et mon improvisation.

Deux élèves – qui n’auront plus d’allemand à l’école au post-obligatoire – ont par ailleurs affirmé qu’elles allaient maintenir leurs connaissances dans cette langue.

Ceci dit, les résultats sur leur engagement futur sont à prendre avec précaution, puisque les élèves répondent à leur propre enseignante.

 

Les commentaires de l’enseignante

Les effets positifs des échanges sont largement confirmés par la littérature scientifique, pourtant, il est étonnant que la majorité des élèves réalise son premier échange après 6-7 ans d’apprentissage.

Par ailleurs, le fait que les élèves sous-estiment leur niveau de langue ( 51 % des réponses ) pose question. Plusieurs hypothèses peuvent être formulées. Notamment le fait que les élèves apprennent l’allemand hors contexte linguistique et que cette absence totale de référence au contexte provoque un manque de confiance.

Je pense que ça ( l’échange ) m’aidera à avoir plus confiance en moi la prochaine fois. Je me suis mieux débrouillée que ce que je pensais, la conversation était assez fluide et je n’ai pas eu trop de difficultés.

L’autre hypothèse pourrait remettre en question la manière d’enseigner l’allemand, où trop d’importance est accordée à la correction de la langue écrite plutôt qu’à la production orale synchrone.

Autre constat intéressant : plusieurs élèves qui n’avaient pas demandé explicitement de faire un échange et qui étaient réticent·es à vivre cette expérience, ont donné un retour positif.

Si l’échange est un outil de développement linguistique pour l’enseignante, les élèves y voient un autre enjeu : beaucoup ont aimé rencontrer de nouvelles personnes ( 41 % des réponses ) et se soucient de créer le lien, d’entamer une conversation avec une personne inconnue ou d’avoir un échange positif.

Ces échanges ont pu avoir lieu grâce aux outils digitaux. Bien que les élèves les citent, ils ne représentent pas, à leurs yeux, un point déterminant. Ainsi quelques élèves relèvent avoir organisé une visioconférence pour la première fois de leur existence ( 18 % des réponses ) ou aiment utiliser des tablettes ( 9 % des réponses ).

Pour récapituler, ces échanges ont permis à la majorité des élèves de « s’essayer » en allemand, ils·elles ont été positivement surpris·es par leurs capacités, ils·elles pensent davantage s’investir dans l’apprentissage de la langue : c’est un véritable plébiscite pour renouveler l’expérience. Quant aux réponses des élèves, elles agissent comme un philtre magique sur la motivation de l’enseignante. 

 

Cathy Savioz, enseignante d’allemand langue étrangère, Cycle des Voirets, Genève

 

1 Suite de l'article paru dans l'Educateur 2/2022, Un échange linguistique via télécollaboration.

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