Pour comprendre les difficultés qu’éprouve l’éducation, et la nature des défis qui sont à relever, il faut pouvoir mesurer les transformations majeures de la société et leur impact sur l’école. Certaines sont souvent citées: la famille, les savoirs, l’autorité… Pourtant… «Parmi les données de base de l’éducation, il en est une sur laquelle règne un curieux silence: l’expérience de l’enfant».

La vie quotidienne de nos élèves, leur emploi du temps, les activités qui leur procurent stimulations sensorielles, esthétiques, plaisir ou souffrance, les modes de communication avec autrui, la qualité des échanges, tout cela constitue l’expérience de l’enfant. Les conditions et la nature de cette «expérience » n’ont-elles pas profondément changé et ne sont-elles pas au premier rang de ce qui perturbe aujourd’hui l’éducation? La réponse par l’affirmative à cette question ne doit pas engager à se morfondre, ni à regretter un passé qui n’a d’ailleurs jamais vraiment existé, mais elle doit plutôt nous inciter à ouvrir les yeux, à en savoir plus et à nous impliquer dans une refondation de l’action pédagogique. Nos sociétés ne s’y sont pas trompées, qui investissent dans les institutions dédiées à l’enfance et qui multiplient des prises en charge de plus en plus permanentes. La question par contre se pose avec acuité: en quoi ces prises en charge massives sont-elles éducatives? Permettre aux enfants de vivre et de se construire une «expérience» doit être une ambition morale et politique mais qui est extrêmement difficile à réaliser. «Il ne s’agit de rien de moins que de réinventer la société au niveau de l’enfance.»  A l’heure des grandes décisions qui vont consacrer ou changer les horaires scolaires et les rythmes sociaux dans les cantons, chacune ou chacun d’entre nous devrait garder à l’esprit l’incontournable nécessité d’une «expérience» juvénile de qualité pour permettre à nos élèves de grandir et de se développer harmonieusement. L’école a beaucoup à apporter dans ce domaine et ses enseignantes et enseignants encore bien plus.