VD: Et si on en parle encore, c’est parce que ... - 12/2023

VD: Et si on en parle encore, c’est parce que ...

Tout à fait par hasard, je découvre une petite vidéo qui circule sur Insta . Il s’agit de Mélanie Vogel, sénatrice EELV (Europe Écologie Les Vert·e·s, lors de la séance du 30 octobre 2023 (soir). Voici ce qu’elle dit en réaction à son collègue M. Lévrier : « Je voulais juste, euh, pendant qu’on est là, revenir sur le discours de mon collègue Lévrier tout à l’heure qui nous expliquait en traduisant le discours du Général de Gaulle avec des points médians, à quel point c’était illisible, puisque le point médian vous savez, c’est une forme écrite d’abréviation. Français·es c’est l’abréviation de Françaises et Français. Apparemment c’est impossible à lire pour vous, c’est extrêmement difficile. Puis je regarde l’écran et je me dis : alors juste avant Chanterel, il y a " M. amdtn° " M. a-m-d-t – N petit rond, et alors là, zéro problème. J’ai l’impression que ça vous pose aucun problème de lire : article deux amendement numéro 2, Monsieur Chanterel. Alors quelle est la raison ? Expliquez-moi, la raison pour laquelle c’est tellement compliqué pour vous de comprendre qu’un point médian entre S et un E veut dire Françaises et Français et c’est parfaitement possible de comprendre que « amdt n° 2 » veut dire veut dire amendement numéro deux ? ». Pour les intéressé·es vous pouvez lire le compte-rendu du Sénat , ou même suivre les débats qui sont filmés .

 

En Suisse

Alors qu’une partie du Sénat s’affole et qu’il adopte carrément l’interdiction pure et simple de l’écriture inclusive, qu’en est-il en Suisse ? Le débat ne date pas d’hier. En 1991, Conseil fédéral a commandé un rapport sur trois langues, l’allemand, le français et l’italien pour étudier la question. Il décide en 1993 de contraindre l’usage d’une langue « non sexiste », selon le terme d’alors, pour l’allemand seulement ( car jugé trop complexe pour les langues romanes ). Le 23 mai 2019, on apprend que les éditeurices romand·es se penchent sur la rédaction des manuels scolaires et réfléchissent à la question. DécadréE 4, association féministe genevoise, est fondée en 2016, s’en suit un webzine traitant de la question de l’égalité de genres dans les médias. Parce que le langage n’est pas neutre, nous rappelle Valérie Vuille, journaliste. Le 26 juin 2019, le parlement zurichois refuse l’examen et la votation d’une interpellation en écriture non inclusive … Le 18 mars 2022, on apprend que les Genevois·es  (tout comme les Valaisan·nes ) bannissent l’écriture inclusive dans l’administration cantonale.

Pour le canton de Vaud, c’est en 2004 que l’État a introduit une première directive relative à la rédaction de l’écriture épicène ( Directive n° 5.8.1 ). Le guide de rédaction produit par le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes, rédigé en 2008 sera, quant à lui, prochainement revu. www.egalite.vd.ch

 

Quelle est votre conception?

Cette petite liste, loin d’être exhaustive, met en lumière au moins trois conceptions relativement différentes de la langue. La première pointe les aspects communicationnels de cette dernière. La langue sert à nous parler, à échanger. Si possible vite et rapidement. Inutile de s’encombrer de signes alourdissant les mots. Le point médian devient ainsi un obstacle à une lecture et communication fluide et rapide. Dans une deuxième conception, on voit apparaitre l’idée de la langue comme outil pour penser le monde, de la langue porteuse de valeurs et représentative de la manière dont on le conçoit. L’écriture inclusive met en évidence la nécessaire évolution vers plus d’égalité sociétale. Une troisième conception, que je retrouve dans certains propos de l’Académie française, parlant de « péril mortel », présente la langue comme un patrimoine à protéger. L’écriture inclusive fait alors l’objet d’analyses historiques pointues ( par exemple à propos d’accords des adjectifs ).

 

Et alors?

Alors … Celleux qui luttent contre la langue inclusive en arguant de la complexification … sont les mêmes qui luttaient contre la simplification de la langue lors des réformes orthographiques, nous dit le sénateur Daniel Salmon le 30 octobre dernier. Je crois qu’il n’a pas tout tort.

En lisant un texte, nous sommes toutes et tous capables de décrypter que le kilo de patates est passé de Fr. 1.75/kg à Fr. 3.–/kg. Nous ne lisons pas « point, trait, slash, K, G ». Nous sommes donc capables de nous habituer à de nouveaux signes écrits. Certes, le point médian peut alourdir un texte ; libre toutefois aux auteurices de doser leur quantité.

Par ailleurs, combien se souviennent des remarques dédaigneuses à l’égard de celleux qui osaient parler de Madame la conseillère fédérale Élisabeth Kopp ? Pas beaucoup certainement. Pour rappel, elle fut la première femme à accéder au Conseil fédéral en 1984. Par l’usage progressif, nous ne faisons plus attention à ce qui était d’abord une étrangeté ; tout comme cela se produira peut-être avec le terme « d’autrice ». En d’autres mots, le langage épicène a lui aussi fait l’objet de remarques, voire de rejet. Il nous est désormais plus familier.

Nous n’avons pas besoin de devenir des ayatollah·tes de l’écriture inclusive ( ou épicène ) et encore moins de brandir l’étendard historique qui voudrait nous laisser croire au déclin de la nation ( en écoutant nos voisin·es, on serait à la limite de la décivilisation française ! ). Tenir compte de la moitié de la population du monde dans nos écrits, en les féminisant un peu, ne me semble toutefois, ni la mer à boire, ni la lune à décrocher. 

 

Sandrine Breithaupt

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