Une affaire de salaire, vraiment?

Une affaire de salaire, vraiment?

Depuis l’impressionnante manifestation du 25 novembre, j’ai plusieurs fois été interpellé par des représentants des milieux politiques ou institutionnels. Au coeur de leurs interrogations, les motivations prêtées aux manifestants... et, en filigrane, le poison instillé par les pourfendeurs de privilèges du courrier des lecteurs de L’Impex.

Aux yeux de mes interlocuteurs, les nouvelles mesures salariales décidées par le Conseil d’Etat n’auraient jamais dû conduire à une réaction d’une telle ampleur ni d’une telle vigueur. Comment peuvent-ils donc s’étonner? Pour tenter de le comprendre, mettons- nous à leur place...

Depuis plus de 30 ans, au gré des aléas budgétaires de l’Etat, les progressions salariales, voire les salaires eux-mêmes à l’occasion, ont été mis à mal sans trop de vagues. Il faut dire que les sacrifices imposés l’étaient à l’ensemble de la fonction publique et que certaines compensations étaient accordées (1). A tous? Non. On n’allait quand même pas ajouter des vacances aux treize semaines dont disposent déjà les enseignants; pas question non plus de réduire leur pensum; au contraire, on en aura même profité pour faire passer les profs de lycée de 23 à 24 périodes hebdomadaires...

Dans cette situation, il n’y avait pas grand risque de voir les enseignants descendre dans la rue pour défendre ce qu’il aurait été si facile de présenter comme des privilèges!

Et pourtant

Pourquoi réagir avec une telle intensité pour des mesures que l’on aura beau jeu de présenter comme limitées? Les arguments sont multiples, mais on peut les répartir selon deux axes. Le premier concerne l’évolution des salaires. Sans répéter tout ce que nous avons déjà dit, on peut résumer cela en disant qu’à la différence des multiples privations exercées par le passé, les mesures salariales 2015 sont très loin de se limiter à cette année (2), le Conseil d’Etat a fini par en convenir et s’est engagé à limiter cela à deux ans, le temps de définir un nouveau mode de progression unique pour la fonction publique. Toujours est-il que personne ne sait de quoi 2016 sera faite (et encore moins les années suivantes).

L’autre axe tient plus spécifiquement à notre profession. La nécessité de rappeler ces éléments nous conduit à faire preuve d’humilité. S’il est nécessaire de se répéter, c’est que nous n’avons pas réussi à faire passer vraiment le message avant la manifestation (3). En vrac, il y a une pénibilité accrue du métier, attestée notamment par les statistiques de la Caisse de remplacement (cela contraste du reste avec la plupart des autres professions où le progrès technique allège les efforts requis); un taux d’encadrement largement au-dessus de la moyenne; des baisses salariales dues à l’explosion des cas de maladie et à la recapitalisation de la caisse de pension; des exigences toujours plus importantes; une attention accrue accordée à chaque élève et en particulier à ceux présentant des besoins particuliers; dans ce contexte, des difficultés, voire l’impossibilité de maintenir ses performances; l’impression de n’être plus considéré que comme un simple auxiliaire des autorités qui imposent tout à la fois: plan d’études, rythme et environnement de travail, quand ce n’est pas carrément la méthodologie; bref, le sentiment de n’être plus pris pour un professionnel et, par conséquent, de ne pas être respecté.

Comment ne pas «péter un câble»?

Le Grand Conseil ayant confirmé les mesures du Conseil d’Etat, nos jeunes collègues savent déjà qu’on attendra encore davantage d’eux (comme de tous les enseignants) tout en leur refusant une part importante du salaire qui leur était dû. Le minimum que l’on serait en droit d’attendre des autorités est que le processus de construction de la nouvelle grille salariale unique garantisse une prise en compte sérieuse et exhaustive de l’ensemble des fonctions. D’autre part, et c’est essentiel, chaque enseignant devrait se sentir considéré comme un authentique professionnel, écouté et auquel on accorde la marge de manœuvre indispensable à l’exercice de son métier (4). Si ces conditions sont remplies, on n’aura pas encore gagné, mais on sera au moins sur la bonne voie. Bonne année!

 

(1) Au fil des épisodes, la semaine de travail est ainsi passée de 42,5 h à 40h; les vacances ont été augmentées; certains ponts «hors quota» accordés ponctuellement... Bien entendu, nous nous en réjouissons.

(2) Auparavant, après chaque année d’effort, la mécanique salariale retrouvait ses droits.

(3) Voir «Rentrée 2014: Enseignants sous pression. On a atteint la limite!» sur le site www.saen.ch

(4) «La responsabilité individuelle est ce qui reste, lorsqu’on a retiré tout ce qui est imposé.» A. Hargreaves

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