Les jardins potagers au sein des écoles émergent de plus en plus. Comment articuler un travail dedans-dehors autour d’un enjeu de durabilité avec des élèves allophones ?

Tiziana Meyer

La séquence présentée ici porte sur la thématique du réchauffement climatique (RC). Outre l’acquisition de savoirs liés au sujet, elle a pour but de sortir de la classe et de permettre aux élèves allophones d’améliorer leur français. Ce dernier point est essentiel, car l’apprentissage de savoirs théoriques se double de difficultés en lien avec l’apprentissage de la langue française. Afin d’atténuer ces difficultés, un travail dual, entre classe et jardin potager, a été mis en place. La séquence combine des moments en intérieur et en extérieur. Elle a été lancée en hiver en classe et s’est poursuivie au jardin au printemps. Après avoir abordé en classe des notions théoriques centrales au thème ( effet de serre additionnel, impacts observés et prévus du réchauffement actuel ) ¹, une réflexion a lieu sur les échelles d’action possibles ( individuelle, collective, étatique … ). Un lien est ensuite fait avec le jardin potager : les élèves formulent des hypothèses concernant les conséquences possibles du RC sur leur jardin, et le rôle que celui-ci peut jouer dans la lutte contre le RC, en définissant à quelle échelle d’action cela se situe.

En fin d’hiver, la classe se rend au jardin afin d’y étudier son emplacement et son aménagement. Une discussion suit sur le choix des essences à planter ( prise en considération du climat, de la saison, etc. ). De retour en classe, les élèves sèment les graines choisies dans la mini serre et observent leur germination. Cette étape permet d’illustrer ce qu’est l’effet de serre et son impact positif sur la végétation en cas de climat frais à tempéré. Elle permet également d’expliciter le fait que plusieurs facteurs influencent la prise de décision et qu’un processus de négociation doit avoir lieu pour trouver une solution commune.

Enfin arrive le moment d’aller planter les pousses, puis d’apprendre à entretenir le potager, notamment grâce à l’expérience préalable de certain·es élèves. Différentes tâches sont réparties entre les élèves. L’entretien se poursuit, en collaboration avec les autres classes impliquées, jusqu’à la nouvelle année scolaire. Cette étape permet d’expliciter le lien entre climat et évolution du potager, et celui entre responsabilité individuelle et bien commun ( le potager ). Elle valorise également un savoir préexistant de certain·es élèves et crée une dynamique commune au-delà de la barrière de la langue.

En parallèle, les élèves réfléchissent à des actions qui pourraient être entreprises afin d’atténuer le RC, en tenant compte des dimensions sociales, économiques et écologiques. Ces « solutions » sont ensuite placées sur deux schémas complémentaires qui aident à la réflexion. L’un sert à réfléchir aux échelles d’action auxquelles se situeraient ces « solutions », alors que le deuxième sert à déterminer la faisabilité de ces « solutions » à court, moyen ou long terme.

Schémas servant d’aide à la réflexion : échelles d’action et flèches temporelles ( Lausselet, 2020 )

Afin d’évaluer les apprentissages des élèves, de manière formative ou sommative, il est possible de passer par une évaluation critériée : compétence discursive et textuelle ; dimension linguistique et typographique ; connaissances thématiques et capacité à identifier différents niveaux d’action, etc. La tâche finale est de créer des pancartes illustrant un ensemble de pistes d’action possibles préalablement réfléchies par les élèves.

De plus, un cahier est fourni en début d’année à chaque élève, dans lequel iels notent le vocabulaire, les constats issus de la partie théorique ainsi que leurs expériences et émotions lors du travail au jardin. Cet outil constitue une trace qui peut leur servir à (auto)évaluer leurs apprentissages. Enfin, avec des élèves allophones, il permet d’assimiler de nouveaux termes en français et/ou de s’exprimer dans la langue 1 et contribue ainsi à la constitution d’un répertoire plurilingue.

Schémas servant d’aide à la réflexion : échelles d’action et flèches temporelles (Lausselet, 2020)

En conclusion

Après avoir implémenté deux fois cette séquence, force est de constater que l’expérience est positive : la démarche permet d’impliquer des élèves dans des réflexions sociétales actuelles au-delà de la barrière de la langue tout en les faisant progresser dans l’acquisition de celle-ci, de renforcer la cohésion de classe et l’intérêt des élèves ayant des difficultés scolaires, et d’exercer des capacités transversales telles que la collaboration et la communication. Pour valoriser au mieux ce travail dual, il est intéressant de l’effectuer toute l’année. Il existe en effet une multitude d’autres thématiques avec lesquelles il est possible de faire un lien avec le jardin : biodiversité et espèces en voie de disparition, production et consommation d’un produit, etc. Les possibilités sont infinies, il ne reste plus qu’à se lancer ! 

¹ Voir par exemple les manuels de géographie 10e et les synthèses et infographies tirées des derniers rapports du GIEC sur www.ecolevaudoisedurable.ch