Un projet économique, et c’est tout!

Un projet économique, et c’est tout!

En avril 2008, le Gouvernement a présenté ses 51 mesures d’assainissement. La no 42, intitulée «Réaménagement de la carte scolaire avec des normes appropriées en matière d’effectifs», annonçait deux objectifs: atteindre un effectif moyen d’au moins 17 élèves par classe, et réaliser 1,15 million d’économies (730 000 pour les communes et 420 000 pour l’Etat). Le projet de carte scolaire mis en consultation jusqu’au 14 février dépasse largement ces objectifs. 

Ce qui frappe à la lecture du dossier, c’est l’absence de références pédagogiques pouvant soutenir le projet. On tente bien de s’appuyer sur des textes supérieurs. On parle du PER (Plan d’études romand) qui, selon les responsables du projet, impose que l’on organise l’école jurassienne en classes à 2 degrés au maximum, et par conséquent qu’un cercle scolaire soit composé de 4 classes au moins. Pourtant, rien dans le PER ne postule un découpage incontournable de ce type. On ajoute ensuite une dose d’HarmoS pour bien accentuer cette obligation de réfléchir en 4 cycles. Malheureusement, HarmoS prévoit justement une organisation primaire en 3 cycles. On prétend encore que ce serait prétériter certains élèves s’ils devaient suivre des cours dans des classes à 3 degrés. Aucun argument ne vient étayer cette affirmation, et encore moins contredire un tant soit peu ceux développés par l’Association des parents d’élèves du Val Terbi. Il est question enfin de créer des conditions scolaires équitables entre les différents cercles scolaires. Comment tenir de tels propos dans un canton formé de 64 communes, dont deux seulement possèdent plus de 5000 habitants et où plus des deux tiers n’atteignent pas 1000 habitants? Et est-ce équitable, comme c’est le cas dans un cercle scolaire déjà constitué, d’imposer à des élèves près de deux heures de transports scolaires quotidiennement, simplement pour leur éviter de côtoyer en classe des enfants deux ans plus âgés ou plus jeunes qu’eux?

La baisse démographique dans le Jura est une réalité. Nous l’avons déjà écrit dans ces colonnes, les conséquences sur le nombre de classes dans le Jura sont inéluctables. Mais le projet proposé ne prend pas seulement en compte cette diminution de la natalité, il accentue le phénomène des fermetures de classes par l’introduction de nouvelles normes en matière d’effectifs. Les petits cercles sont particulièrement touchés et seront condamnés à se regrouper pour répondre à la nouvelle ordonnance. Le nombre de classes passera ainsi de 374,5 à la rentrée 2007 à 340,5 à la rentrée 2011. 34 classes de moins, dont 5 déjà (et non 7 comme indiqué dans le dossier de consultation) depuis la rentrée 2008.

Que l’on modifie les normes actuelles en termes d’effectifs pour éviter au maximum l’existence de classes avec moins de 10 élèves peut se comprendre. Soit dit en passant, on s’émeut moins lorsque l’organisation d’un cercle scolaire implique pour un temps que des classes connaissant des effectifs supérieurs à 25. On fixe arbitrairement une moyenne à 15,25 élèves par classe pour avoir le droit de constituer un cercle scolaire de 4 classes. On ne sait pas d’où tombe cette norme. Pourquoi ne pas s’inspirer des principes d’organisation scolaire valables depuis des années dans le Jura qui fixe à 14 élèves le seuil donnant le droit d’introduire le co-enseignement ou l’enseignement en sections de classe?

C’est évident, envisager que des cercles scolaires soient composés de 3 cycles (ou classes) avec un effectif total minimum de 42 élèves (3x14) dégagerait beaucoup moins d’économies que d’imposer 61 élèves pour 4 classes. Pour ce qui est des économies, puisqu’on en parle, le projet retient toujours ce 1,15 million global cité dans la mesure no 42. Or, même si la diminution de 34 classes ne signifie pas forcément la suppression de 34 postes, on peut affirmer sans trop risquer de se tromper que l’économie finale avoisinera plutôt 3 millions. Pour ce qui est de l’autre objectif, atteindre un effectif moyen de 17 élèves par classe, il faut préciser qu’il est aujourd’hui déjà réalisé. Encore une parenthèse, on dit moins facilement que l’effectif moyen dans le Jura au niveau secondaire 1 est nettement supérieur à la moyenne suisse. Selon les dernières statistiques publiées, le Jura fait partie des quatre cantons qui présentent une moyenne supérieure à 20 élèves par classe. En fait, on ne propose pas de mesures pour maintenir cette moyenne de 17 élèves, mais on vise sans l’avouer une moyenne de 18 élèves par classe. Le dossier de consultation présente d’ailleurs des erreurs grossières sur ce point. Des erreurs comptables. Alors que le tableau menant à la suppression de 34 classes fait état d’un nombre total de 5991 élèves à la rentrée 2011 (ce qui donne une moyenne de 17,6 élèves par classe), ce nombre total d’élèves est de 6139 si l’on additionne les enfants nés dans le Jura entre juin 1999 et mai 2007, enfants qui peupleront les huit années scolaires primaires dans le Jura dès août 2011. Précision utile, ce nombre de 6139 est obtenu grâce au tableau des naissances, commune par commune, apparaissant dans le dossier de consultation! Hasard curieux, ce nombre de 6139 représente exactement une moyenne de 18 élèves par classe, si l’on tient compte des 340,5 classes conservées par le projet. A l’inverse, et toujours par hasard, 6139 divisé par 17, moyenne visée par la mesure no 42, donne 361 classes, 13,5 de moins qu’actuellement. Ce qui représenterait, coïncidence exceptionnelle, environ 1,15 million d’économies, comme le prévoit la mesure no 42!

Parce que c’est un projet exclusivement économique, et qu’il a été monté de toutes pièces dans ce sens (les nombreuses erreurs qui le parsèment, notamment comptables, en témoignent); parce qu’une fois mis en place, il ne permettra aucun retour en arrière (le cas de Châtillon et Rossemaison est à ce titre exemplaire – voir tableau ci-contre); parce qu’une offre scolaire de qualité, intégrant aussi la notion de proximité, est un atout pour une région et qu’en réduisant l’offre en la matière de plusieurs localités, on réduit aussi leur attrait; parce que les économies immédiates, comme c’est le cas ici, ne servent pas les objectifs de développement; il faut s’opposer résolument à ce projet.

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