SPG: Le féminisme, un délit d’opinion ? - 9/2021

SPG: Le féminisme, un délit d’opinion ?

La SPG dénonce fermement l’acharnement sexiste et institutionnalisé dont a été victime une collègue. Après avoir relaté sur son compte Facebook, où elle apparait pourtant sous un pseudonyme, comment un homme l’a agressée dans la rue, le père d’un de ses élèves l’enjoint à modérer son propos et in fine à se taire, ses démarches ayant été soutenues et cautionnées par le DIP.

 

 

Une publication dénonçant les violences sexistes déplait à un papa

La SPG a pris connaissance de ce dossier en mai 2020 par le biais de sa collègue, qui, n’ayant pas trouvé le soutien requis auprès de sa direction s’est adressée à son syndicat pour défendre son droit fondamental à la liberté d’expression. À la suite d’une agression, l’enseignante dénonce sur son compte Facebook le caractère systémique de ces violences et – prophétiquement – l’injonction au silence imposée aux victimes. Prophétiquement puisqu’en effet, il n’a fallu que quelques semaines pour que le père d’un élève de sa classe, « abasourdi par la violence de ( ses ) propos » lui enjoigne de supprimer sa publication, n’ayant pas peur de prétexter la protection de l’enfance, ignorant probablement que Facebook est interdit aux enfants de moins de 13 ans. Notre collègue retire dans le doute sa publication, et se rend chez sa directrice pour partager avec elle son indignation face à cette requête qu’elle juge intrusive. Elle lui transmet le texte afin que cette dernière puisse confirmer ou infirmer la possibilité de publier son texte publiquement. Sa directrice n’ayant jamais effectué le retour convenu auprès de sa collaboratrice, c’est en concertation avec la SPG que cette dernière partage sa publication anonymisée, depuis le compte de la Grève Féministe Genève. 

 

Une hiérarchie partiale, un entretien de service injustifié et un PV tronqué

La narration de l’agression subie, malgré son caractère désormais anonyme, a visiblement déplu à la hiérarchie, qui s’est empressée de soutenir le patriarche à la sensibilité écornée, choqué, non pas que de telles agressions se produisent quotidiennement, mais que des femmes puissent s’en lasser et s’en excéder avec véhémence sur la place publique – fût-elle virtuelle. L’homme, conforté dans sa croisade par de nombreux échanges écrits et oraux avec la directrice, finit par écrire à la conseillère d’État en personne afin, bien sûr, de préserver ses enfants de ce qu’il présente comme les déviances de cette enseignante, dont le seul crime est aux yeux de la SPG d’être animée par des idéaux élevés de justice et d’égalité. Pourtant, afin de rétablir cette enseignante un peu trop impétueuse dans la respectabilité qui sied à sa fonction, l’institution réagit avec une promptitude exceptionnelle et la convoque à un entretien de service. Rien de moins. Entretien de service auquel la SPG a prêté son assistance à sa collègue et qui s’est distingué principalement par la vacuité des éléments reprochés à cette dernière. En effet, pétrie des stéréotypes sexistes, sa hiérarchie n’a pas hésité à invoquer à la fois la « jeunesse », la « fougue » et le parti pris forcément subjectif de sa collaboratrice. Les femmes qui osent élever leur voix contre le sexisme souffrent, semble-t-il, d’une forme d’immaturité qu’il convient d’expliquer par leur manque d’expérience, leur vécu forcément traumatique, ou par une colère irrationnelle, inadaptée, presque pathologique. L’ire d’un homme, à l’inverse, se distingue par son caractère raisonnable, pondéré, et rationnel, semble-t-il. L’incompétence de l’institution concernant les questions de sexisme est démontrée par sa rhétorique digne des discours antiféministes les plus communs, expliquant avec un certain paternalisme qu’il convient d’exprimer sa colère en privé – ou d’une manière polie et policée – réfutant toute compétence sur ces thématiques
à notre collègue, qui pourtant effectue un master en études de genre. Mais son expertise est au contraire retournée contre elle, comme preuve d’une sensibilité exacerbée sur ces questions. La SPG considère que l’enseignante n’est pas la personne ayant fait preuve d’une sensibilité exacerbée dans cette situation ubuesque. 

 

Manque de soutien, incompétence et sexisme institutionnalisé

La force de l’institution réside bien ici dans la performativité de ses déclarations d’intention : elle se déclare non sexiste, elle ne le serait donc pas. Elle peut ainsi convoquer une enseignante en entretien de service, la menacer par là même de sanction administrative, construire un dossier à charge contre elle, constitué d’éléments relevant de la diffamation – pour la seule et unique raison que cette enseignante a publié un texte dénonçant les violences sexistes sur sa page Facebook – et ce, sans se rendre coupable de sexisme institutionnel. En convoquant notre collègue pour « atteinte à la santé psychique des élèves », l’institution semble en réalité plus ménager les susceptibilités parentales que la condition psychologique des élèves. Cette absence de courage est hélas devenue la norme.

La SPG dénonce dans le cadre de cette affaire, non seulement le manque de soutien accordé par l’institution à sa collègue, mais également le parti pris de sa hiérarchie instrumentalisée par ce père pour silencier la parole des femmes. En effet, la procédure dont l’enseignante a été victime a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements qui ne relèvent malheureusement plus d’un caractère exceptionnel au sein du DIP. Ainsi, il parait pertinent de souligner que la directrice a livré des informations relevant de la protection des données à ce père d’élève ainsi qu’à l’équipe enseignante. Elle s’était également positionnée contre sa collaboratrice dès les premiers échanges avec le père, confirmant le caractère inadéquat de ses propos et l’informe qu’elle avait d’ores et déjà contacté le service juridique de la direction générale. De plus, la directrice semble avoir pris de grandes libertés quant à la restitution du déroulement des faits. Le refus catégorique de modifier le procès-verbal de l’entretien de service afin de signifier les nombreux éléments contestés par l’enseignante dénote d’ailleurs le besoin de se couvrir et renforce l’impression de la constitution d’un dossier à charge.

 

Une incompétence aux conséquences graves pour les collègues victimes

C’est finalement d’une triple peine sexiste qu’écope notre collègue. Victime des préjugés sexistes et réactionnaires des personnes dirigeant le département, certes, mais surtout de leur méconnaissance et de leur incapacité à problématiser les violences sexistes afin de lutter efficacement contre ces dernières.

Cette affaire n’est malheureusement pas un cas isolé, bien au contraire. De nombreux et nombreuses collègues subissent quotidiennement des violences de la part de parents, de leur hiérarchie, parfois même de collègues et le département s’illustre dans ces situations par son refus de protéger ses collaborateurs et collaboratrices ne leur laissant souvent d’autres choix que de changer d’établissement, voire, comme dans le cas de notre désormais ex-collègue, de démissionner.

En 2021, le féminisme ne devrait plus constituer un délit d’opinion.

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