SPFF: Poser les actes - 10/2022

SPFF: Poser les actes

 

L’école idéale, l’école avec un grand É, celle qui permettrait à chacun·e d’évoluer dans un cadre adapté, riche et intéressant, existe-t-elle ? Chaque enfant a-t-il, a-t-elle vraiment la chance d’apprendre ce dont il·elle a besoin, au rythme qui lui convient et dans des conditions agréables ?

 

« Gestion de classe = Ensemble des actes réfléchis, séquentiels et simultanés que le personnel enseignant conçoit, organise et réalise pour et avec les élèves dans le but d’établir, maintenir ou restaurer un climat favorisant l’engagement des élèves dans leurs apprentissages et le développement de leurs compétences. »

( Nancy Gaudreau, inspirée de CSÉ, 1995; Nault & Fijalkow, 1999 )

 

J’ai eu la chance récemment de participer pour la deuxième fois à une conférence de Nancy Gaudreau, professeure-chercheuse en adaptation scolaire, sur la gestion de classe. Je parle de chance alors même que je m’y rendais un peu à reculons, me disant que je l’avais déjà entendue sur le même thème et que donc, cela ne m’apporterait pas grand-chose de nouveau. Eh bien je me trompais fortement car en fait, je sais maintenant que c’est exactement l’inverse …

Il lui a fallu à peu près cinq secondes pour me sortir de mon état un peu râleur et m’emmener avec elle. Ensuite, deux heures passionnantes à l’écouter, à rire, à prendre des petites claques et à réagir tellement elle est dans le juste. Deux heures à l’entendre, à certains moments, parler de moi comme si elle était chaque jour dans ma classe.

Elle a réussi, en un rien de temps, à m’amener à réfléchir sur mes pratiques, ma façon d’être, d’enseigner, d’accompagner mes élèves jour après jour. Elle donne envie à tout·e enseignant·e d’être meilleur·e et d’évoluer toujours plus, toujours mieux afin d’être, au final, plus qu’un·e enseignant·e : un passeur, une passeuse de savoirs et de découvertes pour les élèves.

Et si nous commencions par nous rendre à l’école avec le sourire ? Si chaque matin nous sommes heureux·ses de nous rendre en classe, de retrouver nos élèves, elles et eux le sentiront et auront aussi plus de plaisir. Le bonheur se partage et c’est une grande richesse …

Ensuite, l’enseignant·e est là pour soutenir la réussite des enfants, pour leur donner confiance en eux, en elles et faire en sorte qu’ils·elles se sentent bien, jour après jour. L’enseignant·e participe à leur cheminement et doit développer leur plaisir d’apprendre.

Pour cela, nous devons réfléchir à nos pratiques et notre enseignement. Il n’y a pas d’enseignant·e parfait·e, mais de bon·nes enseignant·es, capables de reconnaitre leurs zones de forces et leurs zones de vulnérabilité, puis de travailler sur ce qu’il est nécessaire d’améliorer, de faire évoluer. L’enseignant·e doit avant tout être un·e « bon·ne ami·e » pour lui-même ou elle-même, lui permettre d’avancer pas à pas afin d’être meilleur·e chaque jour.

Pour une bonne gestion de classe, le mode de fonctionnement de l’enseignant·e doit être connu des élèves. Et les choses doivent être répétées et valorisées.

Les composantes de la gestion de classe sont, selon Nancy Gaudreau ( Garrett, 2014; O’Neill & Stephenson, 2011 ), imaginées sur l’une de nos mains.

– La gestion des ressources se trouve sur le pouce. Elle est capitale. Si on prend l’image de la main, cette composante est posée sur les autres, tout comme le pouce est en face des autres doigts.

– L’établissement d’attentes claires ( index ). Cette composante est très importante, tout comme on ne fait rien sans l’index qui est le doigt le plus utilisé dans notre quotidien.

– Le développement de relations sociales positives ( majeur ). Cette composante est au cœur de la gestion de classe, comme le majeur qui se trouve au milieu de la main, et doit être appliquée tout au long de la journée.

– Le soutien à l’engagement dans les apprentissages ( annulaire ). C’est un concept opérationnel qui permet d’observer quel·les élèves adoptent les « comportements attendus ». C’est le point de départ … Être engagé·e au niveau comportemental amène l’écoute, être engagé·e au niveau émotionnel est un engagement complet ( l’enseignant·e ne doit pas se satisfaire de la présence de ses élèves ).

– La gestion des comportements d’indiscipline ( auriculaire ). Cette composante est importante, mais si l’enseignant·e passe la majorité de sa journée là-dessus, c’est comme de gérer toute sa journée avec le petit doigt, sans se reposer sur les autres composantes.

Développons maintenant chacune de ces composantes …

Gérer les ressources

• Comment l’enseignant·e gère-t-il·elle son temps ? Utilise-t-il·elle bien son agenda, son échéancier ? Et comment aide-t-il·elle les élèves à gérer leur temps ?

Bien gérer le temps ,c’est le rendre concret, ne pas finir à la hâte.

• La gestion de l’espace et de l’aménagement de la classe. Est-ce que tout est pratique et favorise les déplacements ? L’enseignant modifie-t-il·elle son aménagement en fonction de ses élèves ou est-ce chaque année pareil ? Les murs n’ont pas besoin d’être surchargés, cela peut perturber l’attention des enfants.

• Le matériel est-il adapté à tous·tes les élèves ? Est-il attrayant ? La classe est-elle rangée ? L’enseigant·e est un modèle pour ses élèves et donc l’ordre peut l’aider à s’organiser et à travailler.

• L’enseignant·e utilise-t-il·elle intelligemment les ressources technologiques ?

• Travaille-t-il·elle seul·e ou en équipe ? Les ressources humaines sont-elles mises en valeur et utilisées ? Y’a-t-il de la collaboration ? Tous·tes les élèves sont nos élèves, chaque enseignant·e doit être concerné·e par tous·tes les enfants.

Établir des attentes claires

• Règles de la classe : j’affiche les comportements attendus. Quand j’interviens, je pointe les règles en disant ce que je veux. Le rôle de l’enseignant·e est de faire respecter les règles. Il faut dépersonnaliser cette tâche, c’est la règle qui ne veut pas d’un comportement et pas l’enseignant·e. Qu’est-ce que le manque de respect ? L’enseignant·e se doit d’être explicite. Si un·e élève ne respecte pas les règles, je vais intervenir, c’est mon travail. Rendre les enfants partenaires des règles. Les faire s’engager !

• Attentes et consignes : donner les consignes quand on a le temps, mettre des rappels visuels lorsque nous donnons plusieurs informations, fragmenter les consignes, les tâches afin de rendre le tout plus accessible à tous·tes, utiliser un ton neutre, agir en leader, démontrer de l’assurance, formuler ce qui est attendu, éviter le conditionnel, ne pas sermonner mais intervenir. Les conséquences doivent être connues et il est important de renforcer les comportements attendus et de gérer les comportements non attendus de façon discrète.

• Routines et procédures : elles sont très importantes en début et en fin de journée. Les élèves doivent savoir quoi faire en arrivant ou lorsqu’ils·elles ont terminé un travail. Prendre le temps de souligner ce qui s’est bien passé. Si on finit sur du négatif et de la morale, on est négatifs et les enfants le seront aussi.

Développer des relations positives

Il faut instaurer des pratiques gagnantes, comme lorsqu’on invite des gens à la maison. Des éléments positifs qui donnent envie de revenir. Créer un lien de confiance, valoriser, développer le respect, accueillir, différencier et surtout, surtout, ajouter de l’humour !

• Relation élève-enseignant·e : est-ce que l’enseignant·e est pareil·le avec tous·tes les élèves ? Est-ce qu’ils·elles osent tous·tes venir chez nous ? Est-ce que tous·tes les élèves se sentent à l’aise de faire des erreurs ? Est-ce qu’ils·elles ont compris que ça fait partie du processus d’apprentissage ?

• Relations entre les élèves : la discipline est-elle visible de tous·tes ? Il n’est pas bon que tout le monde en parle. De l’autre côté, que font les camarades pour aider celui ou celle qui n’arrive pas à respecter les règles ? Développer le répertoire de la personne pour qu’elle puisse adapter le bon comportement. Leur apprendre d’autres comportements pour développer leurs compétences.

• Statut social : est-ce que je contribue à ce qu’un·e élève soit considéré·e comme un·e cancre ? Qu’est-ce que je donne comme image des enfants aux autres ?

Capter et maintenir l’attention des élèves

• Quelle est la qualité des activités d’enseignement et d’apprentissage dans ma classe ? Est-ce que j’aimerais y être élève ?

• Quelle perception a-t-on des tâches demandées ? Sont-elles intéressantes, ont-elles du sens, sont-elles utiles pour les enfants et leur permettent-elles d’atteindre les objectifs visés ? Permettent-elles de maintenir son attention ?

• Est-ce que l’enseignant·e propose des formes de travail permettant des comportements d’engagement tels que les travaux d’équipe, les discussions ? Varie-t-il·elle les modalités pédagogiques ? Valorise-t-il·elle les élèves qui s’engagent, qui tentent une réponse, qui participent, qui font ce qui est attendu ?

Gestion de l’indiscipline

Il existe quelques principes de base qui peuvent faire évoluer positivement cette gestion.

• Rester calme ( être bien pour pouvoir enseigner ) et respectueux ( peu importe ce que l’élève va faire ). Il faut toujours préserver la relation.

• Il est important d’agir dans l’intérêt de l’élève. Est-ce qu’il ou elle va ressortir grandi·e de mon intervention ?

• Demeurer impliqué·e sans cesse. C’est ce que nous demandons à nos élèves, mais le suis-je moi-même ?

• Enseigner les comportements attendus qui ne peuvent pas être devinés par les élèves.

• Faire preuve de cohérence et de constance.

 

Gérer une classe c’est d’abord mettre en place des mesures préventives, travailler en amont, faire en sorte que les meilleures conditions possibles soient proposées à nos élèves. Nous sommes acteurs et actrices de ce qu’il se passe dans nos classes et si la journée se passe bien, nous y sommes pour quelque chose, mais si elle se passe mal, c’est aussi le cas ...

Voilà ce que nous pouvons faire, nous, enseignant·es, afin de favoriser l’apprentissage de nos élèves, avec un grand A.

 

Ayons du plaisir à enseigner, simplement ! 

 

Claire Spring, coprésidente de la SPFF

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