26 aout 2021 … Un peu plus d’une année que le covid s’est invité dans nos vies en général et dans nos écoles. Cette rentrée semble être assez normale, sans consignes particulières venant perturber le fonctionnement habituel des écoles. Tout le monde est à la fête et se réjouit de cette nouvelle année scolaire qui pointe le bout de son nez.

Voici déjà quelques mois que cette rentrée se prépare. Dans mon cercle scolaire, comme partout ailleurs, l’organisation se met en place. Une première période d’attente et d’incertitude assez stressante a occupé notre printemps ... Il manque très peu d’élèves pour ouvrir une classe supplémentaire en 1-2H. On attend, on calcule, on croise les doigts… Et le verdict tombe, pas d’ouverture.

Sur mon site, il y aura donc toujours deux classes. Deux classes de vingt-trois élèves. Une avec quinze enfants en 1H et huit en 2H. L’autre avec seize enfants en 1H et sept en 2H.

Vingt-trois élèves par classe ? Même pas peur. En effet, nous avons beaucoup de chance sur Fribourg et il n’y a que deux matinées par semaine où tous·tes nos élèves sont réuni·es. Ces moments seront donc l’occasion de travailler la socialisation, de découvrir la vie en communauté et le partage avec d’autres enfants, du même âge ou un peu plus grand·es ( enfin … l’écart peut être de presque deux ans entre les tout petit·es d’à peine 4 ans et les plus grand·es qui en ont déjà presque 6 ). Mais qu’importe, ça ne peut qu’être bénéfique et enrichissant.

Par contre, quinze et seize élèves en 1H, eh bien ça, ça fait un peu peur quand même … Ni une ni deux, nous nous lançons assez vite dans une deuxième période où nous essayons de mettre en place les conditions les plus idéales possibles, un peu pour nous les enseignantes, mais surtout pour nos élèves … Celles et ceux qui nous connaissent déjà et qui se réjouissent ( on l’espère ) de nous retrouver … et tous les nouveaux, toutes les nouvelles pour qui cette rentrée est un jour hors du temps.

C'est l'inconnu, pour tout le monde

Pour certain·es, c’est une première expérience en dehors du contexte familial, la première fois aussi peut-être qu’iels se retrouvent avec autant d’autres enfants. Et puis d’abord … C’est qui cette maitresse qu’on ne connait même pas ? Alors oui, iels sont venus deux jours avant découvrir la classe … Visiter … Nous rencontrer … Poser leurs affaires … Mais cela reste très abstrait tant que le vrai jour n’est pas arrivé. Ce premier matin où il faut dire au revoir à maman et papa, les laisser peut-être avec des petit·es frères ou sœurs qui, elles·eux, ont encore un peu de temps avant l’arrivée à l’école, partir avec un adulte qu’on a rencontré·e mais qu’on ne connait pas vraiment, dans un bâtiment, une école qu’on ne connait pas. Pour d’autres, ce sera une expérience de plus. Iels sont peut-être allé·es en crèche, en maternelle ou chez une maman de jour et ont déjà été en contact avec d’autres enfants. Le cap sera peut-être un peu plus facile … Allez savoir !

Pour chaque enfant, ce grand jour qu’iels ne vivront qu’une seule fois dans leur vie, le PREMIER jour d’école, est le premier pas d’un long chemin. Leur vie scolaire ne fait que commencer et va durer jusqu’à leur adolescence, ou plus même !

Alors, c’est un jour tellement important. Un jour à préparer avec le plus grand soin. Un jour à marquer d’une pierre blanche afin d’imprimer dans la tête de ces tout nouveaux et toutes nouvelles élèves, une image positive de l’école. Pour qu’iels aient envie d’y revenir, pour qu’iels s’y sentent bien tout simplement.

Alors quoi ce premier jour ?

Eh bien, c’est l’inconnu pour tout le monde … ( Si si ! Pour les enseignantes aussi ! )

Il est temps d'entrer dans l'école

Nous sortons assez tôt afin de pouvoir accueillir chacun et chacune.

Certain·es font les grand·es, leur sac bien collé sur le dos et déjà installé·es loin de papa et maman, prêt·es à nous rejoindre, mais regardant tout autour d’eux, d’elles, un peu inquièt·es. D’autres arrivent carrément en bus, les parents les rejoignant quand même dans la cour pour un dernier au revoir. Et pour quelque·es-un·es, c’est tout collé·es-serré·es à leur(s) repère(s) qu’iels nous attendent.

Nous nous approchons de chaque enfant afin de créer un contact le plus rassurant possible, nous mettant à leur hauteur, puis essayant de les prendre par la main afin de les amener vers le lieu du « petit train ». Les plus téméraires y restent et nous aident lorsque nous approchons avec un·e enfant un peu plus effrayé·e. Pour les dernièr·es, c’est plus compliqué et c’est avec des petites larmes ( grosses parfois même ) aux coins des yeux que la séparation se prépare.

Il est temps d’entrer dans l’école. Nous déployons toute notre énergie et nos bonnes ondes afin d’amener une transition la plus sereine possible. Les enfants avancent doucement, avec de petits signes de la main, des derniers bisous et de gros gros chagrins aussi. Nous n’avons pas assez de mains pour les enfants pour qui c’est difficile, mais nous partageons nos dix doigts et hop ! On y va cette fois, au revoir papa maman.

L’arrivée au vestiaire se fait à pas de velours, il faut avoir les yeux partout et pouvoir guider chacun·e tout en consolant les gros chagrins qui ont bien de la peine à se calmer. Quelle équipée ! Trouver sa place, se déshabiller, pendre ses affaires au crochet, mettre ses chaussons ( dans le bon sens ), entrer en classe tout en observant du coin de l’œil les nombreux futurs copains, futures copines et cette maitresse qu’on ne connait pas.

Mamans, infirmières, guides et enseignantes tout à la fois

Nous voici enfin tous et toutes réuni·es en « chambrette » sur le tapis. Et là commence un autre moment si important … Faire connaissance, dire bonjour, oser dire comment on s’appelle et découvrir enfin ce nouveau monde qui s’ouvre à eux et à elles.

Ça parait si simple et mignon, mais au fait … on passe sur les chagrins qui ne s’arrêtent pas, les innombrables questions et incertitudes, les envies d’aller boire ou aux toilettes, les pipis aux culottes ... Les enfants que l’on doit câliner parce que c’est vraiment trop difficile, ceux qu’il faut aller récupérer ( ou même accompagner ) dans les couloirs ou aux toilettes, celles qui se promènent dans la classe ou ne veulent pas s’assoir, ceux qui restent bloqués dans le vestiaire et refusent de se préparer, celles qui ne veulent pas parler et ceux qui ne veulent/peuvent pas attendre … Bref ce jour-là, les enseignantes sont mamans, infirmières, guides, un peu enseignantes quand même et surtout pieuvres !

Mais quel magnifique défi malgré tout ! Quel métier incroyable et fabuleux nous avons la chance de pratiquer et quel bonheur d’accompagner les enfants sur ce premier bout de chemin à l’école. Quel privilège d’être les premièr·es et de pouvoir leur donner cette impulsion si importante. Dans la douleur, le stress et la peur parfois. Avec l’impression de ne pas réussir à combler tous les besoins qu’il faudrait … Mais avec notre cœur et beaucoup de professionnalisme.

Nous avons le temps, les choses se mettront en place petit à petit, au fil du temps, mais ces premiers jours sont à chaque fois des défis et des expériences qui nous amènent à devoir nous dépasser, dans l’intérêt de nos élèves. 

Claire Spring, coprésidente de la SPFF