Plein écran – 10 invitations offertes ! - 01/2021

Plein écran – 10 invitations offertes !

Un film qui a tout d'un cerveau !

 

10 invitations offertes par Praesens-Films pour Cinq nouvelles du cerveau. Jean-Stéphane Bron, 2020, Suisse/France. Au cinéma dès le 27 janvier 2021.

 

Par les temps qui vont de défiance envers les autorités médicales et son corollaire d'infos toc, il est réjouissant de voir un film qui sait rendre un si bel hommage au processus scientifique progressant sur les découvertes précédentes et au rythme d'interactions fertiles entre spécialistes. L'espèce humaine est la seule à chercher à comprendre qui elle est et à comprendre le monde environnant. Elle le doit au cerveau humain et à la conscience de soi, propre à l'être humain. Le film est en lui-même une confirmation, telle une mise en abyme, de la capacité d'un cinéaste et de son équipe à embrasser la complexité de la recherche humaine avec autant de précision et de poésie entrelacées.

 

Le défi de filmer le cerveau

Comment filmer les septante milliards de neurones qui constituent le cerveau ? A priori quoi de moins filmable que l'organe le plus mystérieux du corps humain ! Ce réalisateur lausannois a toujours excellé pour éclairer les coulisses du pouvoir. Après avoir filmé les stratégies parlementaires avec Le Génie Helvétique (Prix du cinéma suisse 2004), l'ascendant trouble d'un milliardaire et leader de l'extrême-droite zurichoise avec L'Expérience Blocher, l'abus de pouvoir des banques avec Cleveland contre Wall Street (Prix du cinéma suisse 2011), le cinéaste vaudois n'a pu résister à mettre en image la complexité de cet organe du pouvoir absolu qu'est le cerveau et qui attise tant de convoitises chez les puissant·es du monde 2.0. Avec ce nouvel opus, Cinq nouvelles du cerveau, Bron confirme son sens de la mise en scène en trouvant la juste distance entre prospectives scientifiques de haut vol et enjeux démocratiques des plus concrets. Pour relever ce défi d'une recherche en cours, récente d'une trentaine d'années, le cinéaste romand décloisonne avec bonheur les ambiances cinématographiques. Le film recourt ainsi dès le début à la science-fiction, puis glisse vers le suspense, le mélodrame, un soupçon de comédie, un précis de philosophie politique tout en poursuivant le cap du documentaire scientifique !

 

L'art de la transmission

L'intelligence du film est de parler à … l'intelligence de son public. Chacun·e de ces six spécialistes exposent leurs théories, leurs expériences et leurs questions qui dialoguent et résonnent entre elles. Le fil rouge demeure bien sûr le cerveau et la conscience, mais aussi la relation avec l'autre, que ce soit son fils (Alexandre et Hadrien Pouget), ses collègues (Christof Koch et des chercheurs du monde entier), ses patients (Niels Birbaumer et Fabio et Felix), un autre chercheur critique (David Rudrauf et le psychiatre Serge Tisseron), des partenaires (Aude Billard et des apprentis horlogers de la Vallée de Joux). Dans ces relations, on perçoit le sens de la transmission entre les générations et les cultures. A l'image de ces empreintes que tracerait la conscience dans le cerveau ou que les êtres préhistoriques avaient peintes sur la grotte Chauvet (dernier plan du film).

 

Rencontre avec des scientifiques remarquables

Ces cinq nouvelles du cerveau reflètent cinq scenarios privilégiés par ces cinq scientifiques. Alexandre Pouget, professeur de neurosciences à l'Université de Genève, reconnait la redoutable et unique efficacité du cerveau (qui n'a besoin que de 20 watts fournis par la nourriture pour fonctionner) et se demande comment ces milliards de neurones prennent une décision. Il tente de modéliser toute pensée et toute émotion en langage mathématique afin de les implanter dans une machine à l'intelligence artificielle (IA). Au contraire de Pouget, Christof Koch, neuroscientifique germano-américain basé à Seattle, pense que la conscience ne peut être modélisée sous forme d'algorithmes. Il postule que la conscience marque des empreintes dans le cerveau. Il s'agirait donc de les identifier (forme, nature) afin de mieux comprendre qui on est. Niels Birbaumer, psychologue et neuroscientifique tchèque établi à Venise et Tuebingen, crée des interfaces neuronales pour entrer en contact avec des patient·es atteint·es du syndrome d'enfermement suite à un accident cérébral mais aux capacités cognitives indemnes. Psychologue et neuroscientifique à l'Université de Genève, David Rudrauf recherche à formaliser l'expérience subjective humaine en équations dans le but d'implanter dans des robots les caractéristiques forcément humaines de séduction, d'intentionnalité, de plaisirs partagés … Quant à Aude Billard, physicienne suisse et professeure de robotique à l'EPFL, elle tente de traduire en algorithmes l'apprentissage manuel de jeunes horlogers en déconstruisant tout geste résultant de la connaissance commune.

 

Pouvoir ou puissance ?

Le réalisateur n'esquive surtout pas les implications éthiques et politiques de ces théories et expériences scientifiques. Entre Alexandre Pouget craignant que l'espère humaine ne disparaisse car remplacée par des machines ultra intelligentes et Aude Billard qui, au contraire, admet l'impossibilité de tout programme robotique de répliquer la complexité humaine, le film articule une multiplicité de visions, des plus radicales aux plus prudentes. La vision transhumaniste de David Rudrauf le conduit à "semer de l'humain" dans des robots qui partiront coloniser de nouvelles planètes afin que l'humanité survive à l'espèce. Science-fiction ? Alexandre Pouget partage cette même vision fascinante du passage à venir d'un système biologique à un système artificiel. Son fils Hadrien, jeune étudiant en IA à Oxford, lui oppose une autre vision : les humains programmeraient des machines en vue de résoudre des problèmes qui rendraient l'humanité meilleure. Niels Birbaumer met en garde contre les risques de manipulation si on laissait les grandes entreprises et des gouvernements autoritaires utiliser les neurosciences pour contrôler les populations. A l'instar de Birbaumer, Christof Koch refuse les appels de Google, d'Amazon et Facebook qui investissent des milliards de dollars pour externaliser la conscience humaine soit en répliquant soit en la transférant dans des robots. Koch appelle à résister à la déshumanisation de l'humain considéré hâtivement et à dessein comme une machine remplacée un jour par une machine plus intelligente. Aude Billard décline également les offres des géants d'internet et partage cette vision de Koch que le cerveau est plus intelligent que toutes ces équations. Selon elle, les individus sont tous intelligents et on leur donne des activités indignes d'eux. Les robots libèreraient les humains de ces tâches machinales et routinières.

Explorer le cerveau juste pour le comprendre, mais surtout pas pour créer un humain puissance mille. Avec Bron, le pouvoir du peuple, autrement dit de la démocratie, est toujours au bout de sa caméra. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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