Pages ouvertes / Langues - 2/2022

Pages ouvertes / Langues

Un échange linguistique via télécollaboration

 

Le Cycle d’orientation des Voirets à Genève et le Gymnase Uhland de Tübingen organisent un échange linguistique depuis quarante ans. Les élèves de 11e HarmoS, âgé·es de 15-16 ans, travaillent en tandem, puis se rencontrent lors de voyages dans les deux pays. Pour l’année scolaire 2020-2021, où sévit la pandémie de Covid-19, les classes sont dans l’impossibilité de voyager. Les enseignantes ont donc imaginé un échange par télécollaboration avec, notamment, des visioconférences.

 

 

L’échange a commencé en octobre et s’est intensifié entre mars et juin. Les élèves ont réalisé une vingtaine de tâches et vécu trois jours en direct, via visioconférences, en mai et juin.

J’aimerai développer deux points sur cette expérience : d’une part, les nouvelles pratiques permises par la technologie et d’autre part, le ressenti exprimé par les élèves.

 

Innovation et technologie dans l’échange

 

Pour que l’échange et les visioconférences puissent fonctionner, les classes devaient travailler sur une plateforme informatique d’enseignement commune. Dans le cas précis, c’est la plateforme utilisée à Genève qui a été choisie ( Google Suite ). Celle-ci compte plusieurs applications dont l’application de visioconférence ( Meet ), l’application de classe virtuelle ( Classroom ) pour, notamment, déposer les devoirs, et un espace de stockage des fichiers sur un nuage/cloud ( Drive ). Les élèves de Genève ont été doté·es de tablettes individuelles.

Dans un premier temps, chaque élève de Genève a été chargé·e d’aider l’élève partenaire à créer un compte « genevois » et à utiliser la plateforme et ce, dans la langue de son choix. Un quart des élèves est arrivé à ses fins, les autres ont été aidé·es par l’enseignante, les pair·es et les tutoriels vidéos.

L’objectif central du dispositif était de mettre les élèves en situation de communication synchrone, face à des pair·es de langue maternelle différente. Cette communication synchrone a essentiellement été orale, mais parfois aussi écrite, grâce au chat qui permettait de préciser une information, parfois difficile à comprendre oralement.

Le fait de pouvoir travailler simultanément à plusieurs personnes dans un même document ou un même répertoire facilite l’organisation de l’échange et réduit le temps de coordination. Par exemple, lorsque les élèves se répartissent les sujets à présenter – sur une liste fixe –, iels s’inscrivent directement dans un document commun. Lorsqu’iels produisent une vidéo sur leur ville, iels la déposent dans un répertoire commun où les droits peuvent être élargis et chaque élève y a accès. De plus, ces documents communs restent accessibles à tout le monde et permettent aux élèves d’y revenir régulièrement pour vérifier les informations.

Dans les tâches que les élèves ont réalisées, les supports de production ont été volontairement variés : de la lettre de présentation sur papier expédiée par poste à la vidéo avec commentaire en langue cible, de l’interview audio sur son chanteur préféré à la carte postale numérique, avec image et texte en surimpression. L’utilisation de l’audio, de manière asynchrone, s’est avérée très intéressante pour la production dans la langue cible, mais aussi dans la langue maternelle : comment faut-il s’exprimer pour être compris d’apprenant·es allophones ?

 

Fragilités

 

Les enseignantes se sont rendu compte que les élèves qui vivent, quasi pour la première fois, une rencontre en langue cible, ont besoin d’une préparation approfondie qui a pour principale fonction de les rassurer. Par exemple, dans l’activité de speed dating, en début d’échange, les élèves disposaient des informations écrites en langue cible, sur un document à portée de main, bien qu’iels soient tout à fait capables d’utiliser un tel répertoire de mots.

Les groupes de travail lors des visioconférences comprenaient deux élèves francophones et deux germanophones qui avaient fait connaissance les mois précédents. Mais il est arrivé que des élèves soient absent·es ou que leur connexion ne fonctionne pas et le groupe de travail n’a pas pu se réunir comme prévu. Dans ces rares situations, la déception des élèves restant·es a été démesurément élevée. Ce dispositif qui fonctionne grâce à la technologie est aussi susceptible de pâtir de problèmes techniques. À Genève, le réseau était parfois insuffisant pour supporter dix visioconférences simultanées et cela fait partie des améliorations à introduire pour le futur.

 

Ressenti des élèves

 

Les élèves de Genève ont écrit un récit de leur expérience et des aspects intéressants ont émergé.

Le point qui ressort de manière éclatante, c’est le fait que ces élèves de 11e HarmoS, pour la plupart futurs·e collégien·nes, sous-estimaient leurs compétences linguistiques. 14/18 élèves se sont étonné·es de pouvoir dialoguer, être compris·es, trouver les mots relativement aisément, comprendre leur partenaire. 2/18 élèves ont jugé leur compétences moyennes et 2/18 les ont jugées insuffisantes.

Je trouve que toutes ses années d’allemand ont servies car j’ai réussi à appliquer les choses apprises jusqu’à maintenant et j’ai de meilleures capacités à m’exprimer que ce que je pensais. ( 5.EG13 ) 1

J’ai pu comprendre que la langue allemande n’est pas si désagréable à l’oral. Après quelque temps j’ai aussi remarqué que je n’étais pas si nul en allemand et que j’arrive à me faire comprendre ce que je pensais impossible. ( 5.EG09 )

J’ai été surpris de voir qu’avec les correspondants, nous réussissions à nous comprendre en parlant français, allemand, et même en utilisant le chat. Nous trouvions toujours un moyen de nous faire comprendre. ( 3.EG10 )

 

Dans les difficultés évoquées, 11/18 élèves citent évidemment des problèmes linguistiques.

Pour moi, le plus difficile était les différents temps de conjugaison. Je m’emmêlais souvent les pinceaux. Il y avait aussi le fait que, durant les visioconférence, j’étais avec X et elle est très forte en allemand et ça me stressait d’être à côté d’elle mais elle m’aidait quand même. ( 2.EG04 )

Ce qui a été plus difficile c’est de s’exprimer en allemand car je ne trouvais pas toujours les bons mots au bon moment et des fois je ne savais pas comment exprimer ce que je voulais dire. ( 2.EG13 )

 

4/18 élèves évoquent leur nervosité liée aux circonstances ou ce moment où le groupe est enfin connecté, mais où le silence règne.

Au début j’ai trouvé que c’était difficile de commencer une conversation et je ne savais pas quelle langue parler. Alors pendant un moment nous sommes restées silencieuses et j’ai trouvé ça un peu gênant. Ça a été difficile pour moi de comprendre et de me faire comprendre. ( 2.EG18 )

Parler en visioconférence dans une autre langue, c’est un peu stressant. Ce qui a été dur c’était de me lancer dans la discussion. ( 2.EG01 )

 

Pourtant, malgré les difficultés inhérentes à ce type de dispositif, le ressenti des élèves est majoritairement positif. 9/18 élèves disent vouloir travailler plus ou mieux leur allemand à l’avenir, 4/18 élèves souhaitent chercher, dans leur entourage, des occasions de parler allemand. 4/18 élèves enfin soulignent le plaisir qu’iels ont eu à parler une langue étrangère.

Je pense que je vais plus m’accrocher à continuer d’apprendre assidûment l’allemand car je vois que j’ai des bonnes bases, que j’arrive à m’exprimer et ça me donne envie de faire mieux pour parler mieux. ( 6.EG13 )

Je suis contente car j’ai réalisé que j’arrivais quand même à me débrouiller en allemand. ( 5.EG11 )

J‘ai découvert que je sais mieux parler et écrire l‘allemand que ce que je pense, j‘en suis vraiment très fière. ( 5.EG15 )

 

Dans les conditions particulières de ces années de pandémie, l’échange via télécollaboration avec des visioconférences s’avère une étape intéressante pour le développement linguistique des élèves et surtout, un moment clé pour accroitre leur motivation.


1 Les citations des élèves sont rapportées telles qu’elles ont été écrites.

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