A Eric Genevay - En souvenir de l’apprentissage renouvelé du français

A Eric Genevay - En souvenir de l’apprentissage renouvelé du français

Eric Genevay est décédé en cette fin de septembre 2012. L’homme était poète et enseignant. Il travailla notamment avec Maurice Chappaz sur des traductions de Théocrite et Virgile. J’ai eu le bonheur de connaître Eric Genevay à la fin des années 1980. Alors que sous sa gouverne et son expertise, ainsi que celle de Bertrand Lipp et de feu Gilbert Schoeni notamment, j’avais été engagé comme rédacteur de moyens d’enseignement en français, en particulier destinés aux élèves des Voies secondaires à options et générale.

Comme semble lointaine cette époque et les polémiques engendrées par la nouvelle approche de l’apprentissage du français qui prévalait alors! Ce «nouveau français» comme, par paresse de langage, l’intitulaient les malintentionnés, quand le match entre Bertrand Lipp et certains chroniqueurs s’étalait en colonnes de feu au fronton du plus grand quotidien vaudois.
Dans les écoles, tout cela se manifestait par des fâcheries et des incompréhensions. Pourquoi fallait-il donc «changer l’ordre» des tableaux de conjugaison? Pourquoi dire d’un texte qu’il était écrit en «je» et non pas à la première personne? Qu’était-ce donc cette manière de parler de pronoms de conjugaison et non plus de pronoms personnels?
Beaucoup dénonçaient cette «nouvelle grammaire» et vouaient aux gémonies les innovateurs, alors même que pourtant chacun s’accordait à reconnaître que l’enseignement traditionnel du français ne portait plus les fruits que l’on pouvait en attendre. Il est vrai que passer de la règle apprise, et qu’il convenait simplement d’appliquer, à une approche consistant à s’intéresser aux structures profondes du langage oral et écrit constituait pour beaucoup une réelle révolution.
Aujourd’hui, force est de constater que cette foisonnante réflexion a fait long feu. Et que la grammaire générative et transformationnelle ne doit plus dire grand-chose à l’enseignant ordinaire. Comme le nom de Ferdinand de Saussure, ou ceux de Noam Chomsky et de Roman Jakobson. Et de cela Eric devait être bien marri. «De quelles hypothèses initiales sur la nature du langage l’enfant part-il pour faire son apprentissage linguistique? Quel est le degré de spécification et de détail du schéma inné qui devient progressivement plus explicite et différencié, à mesure que l’enfant apprend sa langue?» Ces questions posées par Chomsky agitent-elles encore les débats? Nous aimerions nous tromper, mais il y a fort à parier qu’à celles-ci les enseignants répondraient plutôt «cause toujours»! Sur quelle théorie grammaticale l’enseignement du français en terre romande est-il d’ailleurs désormais fondé ? Bien malin celle ou celui qui saurait répondre.
Bref, la Phrase P n’est plus qu’un lointain souvenir et l’enseignement renouvelé du français est désormais définitivement enterré. Le COI et le COD sont revenus. En tout cas pour les anciens qui les avaient connus, car en terre vaudoise, particulièrement, ces appellations non contrôlées doivent paraître bien bizarres aux jeunes collègues nourris aux suites du verbe prépositionnelles ou non! Aujourd’hui, ce qui prévaut est un plat pragmatisme, concentré dans le relativement insipide petit livre rouge publié par la CIIP3 en 2006 sous le titre Enseignement/apprentissage du français en Suisse romande. Et un enseignement appuyé sur des ouvrages plus ou moins adaptés d’éditions françaises, dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne ffont pas preuve d’une originalité décoiffante.
Rien ne serait plus faux que de jeter la pierre aux collègues. Les faibles «recyclages » auxquels ils étaient soumis devant d’abord être consacrés à la pratique des moyens d’enseignement plutôt qu’à la compréhension profonde de la nouvelle approche grammaticale qui les sous-tendait… Force fut de constater que cette nouvelle approche de l’enseignement du français ne se situait pas vraiment dans la zone proximale de développement de l’enseignant lambda. Dès lors, l’échec de l’enseignement renouvelé du français fut l’échec d’une politique qui ne considérait pas les enseignants, notamment du primaire et non issus de l’université, comme capables de réellement se former.
C’est la même politique qui consiste à penser que trois ans pour former des généralistes sont bien suffisants et que situer cette formation à un vrai niveau universitaire demeure hors de propos.
Eric Genevay est décédé. Il avait 83 ans. Relisons son Ouvrir la grammaire, publié en 1994. L'ouvrage est toujours d'actualité. Notamment si l'on considère que la langue sert à communiquer. 
Et pas d'abord à mettre des notes utiles à classer les élèves.

 

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