Entre l’intime et le collectif

Entre l’intime et le collectif

66 invitations!

10 pour Insoumises (Sister Distribution)

10 pour La Paranza dei Bambini (Filmcoopi)

10 pour Les Particules (Cinéworx)

10 pour Perdrix (Frénétic Film)

10 pour Roubaix, une lumière (Xenix-Film)

6 pour So long, my son (Trigon-Film)

et 10 pour Diego Maradona (DCM)

 

 

Diego Maradona !

Le film s'ouvre sur l'arrivée tonitruante du génial numéro 10 argentin à Naples en juillet 1984. Figure christique pour les tifosi napolitains, Diego Maradona orne des façades décrépies de ses immenses portraits géants peints à l'époque. Pour les amateurs du ballon rond, ce film offre sur un plateau les buts triomphants, les mains et autres passes divines sous le maillot de Naples et de la sélection argentine (Coupe du Monde gagnée!). Ces images d'archives inédites dégagent une sensation d'improvisation et de transparence qui auraient été impossibles aujourd'hui avec l'hégémonie froide et lisse des communicants. Même si on aurait aimé en savoir plus sur ses amitiés avec Fidel Castro et Hugo Chavez, ce portrait est captivant car sans complaisance aucune sur les liens de Maradona avec la mafia locale et ses addictions aux sexe et à la coke. Diego, le gamin des bidonvilles de Buenos Aires, fougueux et au talent mirifique, a été vite dévoré par le flambeur Maradona. Entre candeur et tragédie. Passionnant ! Diego Maradona, Asif Kapadia, 2019, UK. Au cinéma depuis le 21 aout.

 

 

 

Rencontre à Genève avec Laura Cazador, coréalisatrice du film helvético-cubain Insoumises

Par Marc Houvet

En 2003, sitôt la maturité en poche, cette élève du collège genevois de Sismondi part à La Havane rejoindre son amoureux cubain. Dans sa nouvelle patrie de cœur, Laura Cazador participe à la production de films et d'un festival de cinéma au sein du collectif Espera-Espera qu'elle cofonde avec d'autres cinéastes. Après une formation au scénario et plusieurs expériences de production de courts et de longs-métrages, Laura entend parler à La Havane de ce personnage vaudois (H. Faber) expatrié à Cuba en 1819 pour y exercer la médecine en tant que diplômé reconnu et qui fut l'objet d'un procès retentissant à l'époque suite à un mariage hors-normes. Cette histoire émouvante parait formidable à mettre en images. Elle convainc facilement un ami réalisateur cubain, Fernando Pérez, à s'associer au projet et rencontre un producteur genevois (André Martin de Bohemian Films). Après plus de deux ans d'écriture, trois mois de tournage et un an de montage et de post-production, le film Insoumises (Insumisas), première co-production officielle entre la Suisse et Cuba, arrive dans nos cinémas.

Qu'est-ce qui vous avait touchée dans cette histoire d'Henri(ette) Faber et qu'est-ce qui a déclenché votre désir d'en faire un film ?

Laura Cazador: Son parcours de vie m'a beaucoup émue car il était fait d'altruisme pour la collectivité. Sa confrontation au patriarcat local, son courage dans le combat contre le sexisme et l'esclavagisme, son mariage avec une femme de condition modeste, ont fait écho à mes propres engagements sociaux et culturels. Sur un plan plus intime, je sentais pouvoir me mettre facilement dans la peau de cette Suissesse débarquant à Cuba et ne connaissant rien de cette culture.

Avez-vous eu accès à des documents d'archives ?

Les seules sources tangibles que l'on a pu consulter étaient le compte-rendu du procès de l'époque et un ouvrage d'un sociologue cubain qui avait mené des recherches précises et rigoureuses sur le personnage de Faber. Mais, en parallèle aux faits historiques (études de médecine, venue à Cuba, mariage et procès), nous avons vite décidé de nous en tenir à notre propre interprétation des relations intimes des deux femmes. 

C'est votre premier long-métrage ?

J'avais vite réalisé que ce film historique (et ambitieux!) exigerait d'être réalisé à Cuba avec des moyens importants. J'avais donc décidé de demander au grand cinéaste cubain Fernando Pérez, un ami de longue date, de collaborer tant pour l'écriture que la réalisation de ce film. Cette collaboration m'a permis du coup de parfaire ma formation initiale et mes premières expériences cinématographiques. Un producteur genevois, qui lui aussi avait eu vent de cette péripétie vaudoise en terre cubaine, a permis l'alignement de toutes les planètes pour lancer ce projet! 

On sent un énorme travail pour reconstituer l'époque et les lieux de Cuba de 1819.

On a tout fait pour trouver des décors existants dans les quartiers historiques de La Havane ou dans des édifices en ruines dans la campagne. La cabane de Juana a été construite ainsi que certaines façades de la place du village.

Filmer à Cuba, facile, compliqué?

Grâce au professionnalisme impressionnant des Cubains, le cinéma est une véritable industrie depuis la Révolution de 1959, nos délais très serrés (six semaines de tournage) ont pu être tenus sans trop de problème. Avant le tournage, on a failli manquer de paraffine, indispensable au directeur de la photographie qui exigeait des bougies en quantité pour restituer la lumière intérieure de l'époque. Pour la création des costumes, la couturière a dû aller au Mexique pour trouver du tissu qui manquait à Cuba. Effets du blocus US ...

Le monde extérieur menace cet amour interdit. Les protagonistes semblent seules face à cette menace.

Elles ont quand même des alliés comme le maire de la localité (Baracoa), mais ses pouvoirs sont limités face aux intérêts économiques des milices armées des esclavagistes. Placido, l'esclave, est aussi bienveillant avec elles, mais la société est bien verrouillée avec une morale catholique très conservatrice.

Votre film a été pensé bien avant le mouvement Me Too. Un film de femme sur des femmes ?

Bien sûr ! C'est un film de femme qui raconte les femmes sous divers visages, l'épouse bourgeoise, l'adolescente rebelle puis domestiquée, la marginale guerrière, l'esclave muette déterminée, l'insoumise pionnière. Ce film contribue à représenter l'imaginaire et les luttes des femmes.

Le personnage central croit en l'égalité, la liberté et la fraternité de la Révolution française? Et vous? 

Oui mais je me sens plus proche des idéaux de la Constitution de 1793 qui privilégie davantage la solidarité et le droit à l'insurrection quand le gouvernement viole les droits du peuple. J'aimerais aussi mettre en avant la sororité et pas seulement la fraternité!

Insoumises mais à quoi?

Insoumises à l'ordre établi et à un système régi par les hommes qui n'offre aux femmes, à l'époque, que trois options, le mariage, le bordel ou le couvent ...

Il est souvent question de transmission de connaissances (médecine, alphabétisation) et de valeurs (écoute des femmes, respect d'autrui) dans votre film. 

Les valeurs héritées de la Révolution française sont en danger en 1819 avec la Restauration monarchique en France et le renforcement de l'absolutisme un peu partout en Europe. Il y avait donc urgence de les transmettre pour des femmes de la trempe de celles de l'histoire racontée dans le film! L'exemple de ces femmes de 1819 reste d'actualité, car les inégalités subies par les femmes subsistent et leurs combats aussi, comme l'a montré la grève des femmes de juin dernier en Suisse. Cette contemporanéité du propos du film a aussi résonné à Cuba de manière particulière avec le débat intense autour du mariage pour tous lors du vote de la nouvelle Constitution cubaine. Le devoir de désobéissance civique, la nécessité de solidarité soulignés dans le film évoquent aussi notre actualité. Les mentalités peinent à changer autant en Suisse qu'à Cuba!

Anti-esclavagisme, anti-racisme, émancipation des femmes, votre film appelle au changement.

Il tente surtout de montrer comment une personne est arrivée à transgresser à son propre niveau les dogmes et les interdits sociaux et à changer le cours de la société. Car la rupture avec l'ordre établi, selon moi, ne peut venir que d'en bas et de chaque individu.

Sylvie Testud est une actrice renommée en France. Comment travailler avec une telle star? 

Son personnage avait été écrit pour être sobre et intériorisé. En plus ça a correspondu à son jeu. Elle était donc venue avec son personnage construit sur ce registre de retenue. Elle est quasiment de tous les plans et a dû apprendre par cœur ses dialogues en espagnol sans forcément maitriser cette langue. Elle est impressionnante de justesse !

Comment présenter ce film aux adolescent·es?

Le film peut leur montrer que les femmes n'avaient pas le droit en ces temps-là d'exercer la médecine. Les adolescent·es suisses seront sûrement intéressé·es à découvrir qu'il y a deux cents ans ,une telle Suissesse a pu se distinguer par son courage, son anticonformisme, son insoumission aux règles pour vivre ses rêves. L'esclavagisme, le colonialisme espagnol, le syncrétisme religieux afro-cubain pourraient être aussi des objets de débat.

Quelle fut la réaction du public cubain ?

Le Festival International de La Havane nous a décernés en décembre dernier le Prix spécial du Jury ainsi que deux autres prix. L'accueil fut très chaleureux dans les salles où de nombreux débats ont eu lieu en notre présence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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