VD : Le plurilinguisme, à quoi ça sert ? - 02/2024

VD : Le plurilinguisme, à quoi ça sert ?

Lorsque j’avais 15 ans, j’ai passé une année en Allemagne. Mes parents me disaient que cela me serait utile toute ma vie. En réalité, j’ai enseigné quelques années la langue de Goethe à des élèves peu enclin·es à la parler et je communique aujourd’hui en anglais avec mes collègues de Suisse alémanique. Alors ? À quoi ça sert ? Ma route croise celle des Labos de babel  : « Les langues étrangères ne sont pas des disciplines scolaires, ce sont les langues maternelles des autres ! », affirme le collectif des Labos de babel, qui regroupe des trésors sur son site ! « Et si nous avions besoin de plus de langues pour mieux comprendre, et pour mieux nous comprendre ? Le racisme, l'ostracisme, et toutes les formes de communautarisme, ne sont pas des idées mais des sentiments ; des réactions émotionnelles à une situation vécue comme déséquilibrante et menaçante pour une identité fragilisée. On ne combat pas des sentiments à coup d'arguments et de leçons de morale. C'est à l'imaginaire qu'il faut apprendre à s'adresser. La question de la langue et des langues est au cœur de cet immense défi. » 

 

Variation sur le Petit Prince

- Apprendre les langues est important, a dit l’Homme d’affaires au Petit Prince.

- C’est vrai ? Ma rose m’a confié qu’elle était Aziri par sa mère. Peut-être pourrais-je commencer par apprendre quelques mots dans cette langue-là ? Cela lui fera peut-être plaisir.

- On n’apprend pas les langues pour le plaisir, a répondu l’Homme d’affaires. Une langue doit être utile. C’est un bagage. J’ai d’ailleurs beaucoup souffert à apprendre les langues que je connais aujourd’hui. C’est à ça qu’on reconnait qu’apprendre les langues est quelque chose de sérieux.

- Ça veut dire que vous avez appris à parler d’autres langues ? a demandé le Petit Prince.

- Oui, bien sûr ! a répondu l’Homme d’affaires

- Lesquelles ?

- L’anglais, évidemment (en haussant les épaules).

- Ah bon ? L’anglais de Shakespeare ? L’anglais des Beatles ? L'anglais de Roald Dahl ou de Joanne Rowling ?

- Non, l’anglais des affaires, la langue du commerce.

- Je pensais que le commerce se faisait sur les marchés, dans toutes langues. Dans cette belle langue empreinte de poésie et de négoce qu’est l’arabe par exemple. Ou dans les deux langues maternelles les plus parlées au monde : le mandarin et l’espagnol ...

- Tu me fais perdre mon temps, a répondu l’Homme d’affaires.

- Je suis désolé … Est-ce que vous pouvez me dire comment on dit « mouton » en anglais ? a demandé le Petit Prince.

- Ça c’est facile, a répondu l’Homme d’affaires. Le mouton est une unité d’échange, comme la vache, ou le gramme d’or. C’est pratique dans le monde du commerce.

- Ce n’est pas la réponse que j’attendais. Comment on dit « mouton », en anglais ?

- Tu m’ennuies, a répondu l’Homme d’affaires, mais je vais te répondre. On dit : « fifty euros ».

- Ah. D’accord. Ce n’est pas très beau, mais ça a l’air très utile, a répondu le Petit Prince.

Robin

 

La langue ça n’existe pas !

La langue, ça n’existe pas. Ce n’est pas en soi un objet d’expérience. Il n’existe que des discours, des paroles, des œuvres. Et l’expérience particulière du langage humain qui se vit dans les mots.  C’est en comparant plusieurs langues, plusieurs formes d’une même idée, que nous prenons conscience que nous parlons une langue. Une langue, comme système particulier de fonctionnement, comme système de lois, n’existe que par rapport aux autres. Il n’existe de grammaire que comparée, disait Saussure. Les langues, ça existe, mais au pluriel.

Ce que je dis ne correspond cependant que rarement, et même jamais, à ce que comprend la personne qui m’écoute. La conversation peut rester fluide tant que les partenaires acceptent qu’il y ait du jeu dans l’intercompréhension. Elle peut tourner au cauchemar si l’un des deux exige d’être compris parfaitement, ou de comprendre !

Le sens est affaire de négociations. C’est l’opacité de nos discours qui nous motive à nous parler. Nous commençons à philosopher, donc à nous comprendre, quand nous commençons à questionner les mots, leur forme, leurs usages.

Joëlle

 

Al di là di una lingua, una cultura, un popolo

Perciò, concepire le lingue come un bene comune, che arrichiscono, creano sorrisi e pace. Aprire sin da piccoli all’idea stessa della varietà delle lingue, alla curiosità per la lingua e la cultura dell’altro, dargli un posto speciale, perché è un essere speciale, che porta dentro di sé un mondo sconosciuto … Coltivare la curiosità per l’alterità, iniziando per esempio con la lingua. Si potrebbe iniziare col cibo, con l’abbigliamento, certo … Ma con la lingua perdiamo ogni senso dell’orientamento, ci ritroviamo tutti uguali di fronte allo sconosciuto.

Permette la gioia di riuscire, di capire, di intuire, di percepire … una figata !

Come guarderai lo « straniero » che parla con diffficoltà ? Come saresti, al poso suo ?

La lingua, una frontiera … che possiamo sempre cavalcare ? Davvero ? …

Anne

 

Témoignage

Les enfants de l’École Active jouent au mémory des écritures fabuleuses. Ils sont un peu plus grands mais pas beaucoup, 4 ans, 5 ans. Quelqu’un a fait remarquer que les textes sont dans tous les sens, quelqu’un d’autre qu’on leur faciliterait la tâche si le texte des traductions était en vis-à-vis, avec des lignes qui se correspondent. Les enfants tournent les cartes. Ils cherchent le bon sens. C’est à l’endroit, c’est à l’envers. C’est la même langue, c’est pas la même. Ils vont trouver. Pourquoi vouloir leur indiquer le sens ? Pourquoi vouloir les empêcher d’apprendre à lire dans tous les sens ? Ne sont-ils pas capables de s’étonner un jour par eux-mêmes qu’un texte dans une langue ne corresponde pas terme à terme au même texte dans toutes les langues ? 

Claire et Joëlle

 

À-t-on jamais fini d’apprendre à lire?

Avant d’être au service des langues, les jeux du Kaléidoglotte ( voir le site des Labos de babel ) sont au service de la lecture. Quand des enfants s’exercent à discriminer les formes écrites d’une langue, des formes écrites d’une autre langue, c’est de la lecture. Comparer des alphabets, initie les enfants à la fonction symbolique de l’alphabet. Ce sont des dessins et ce sont des mots. Si on les écoute en discuter, ils le disent, c’est tantôt l’un et tantôt l’autre. Ils savent que les mots écrits racontent des histoires. Ils le savent, ou ils l’apprennent et vont l’apprendre à force de jouer et de parler du jeu. Apprendre une langue, c’est de la lecture ; de l’écriture ; de l’orature. Du savoir relationnel, des comportements intellectuels impliquant tout le corps, tous les sens, et beaucoup l’imaginaire et l’imagination.

Claire et Joëlle

 

Dialogue intérieur

- À quoi ça sert ? De donner la place aux langues des autres ? De se retrouver au milieu de tous ces gens dont la langue nous échappe ? C’est perdre son temps, son énergie, dilapider le désir de savoir ce qu’il dit.

- Si servir à quelque chose c’est gagner du temps, t’as raison.

- Alors à quoi ça sert ? Pourquoi tu t’embêtes à vouloir entendre sa langue. Il suffit que tout le monde parle la même langue et tout ira bien.

- T’es pas curieux toi ?

- Curieux de ce qu’il dit, oui. Mais il y a des traducteurs pour ça.

- Non. Tout ce qui se dit dans cette autre langue et qui reste en suspens dans l’air, dans le corps qui ne parle pas pareil, dans le désir qui bouge ses muscles, ses phrases, ses joies.

- D’où tu vois ça toi ?

- Dans les yeux de ce temps qu’on prend à ne pas savoir ce qu’il se passe.

- Et après ?

- Après ça sillonne dans les veines, dans les bras. Il y a des mondes cachés et des mots qui se taisent, des histoires de vies qui ne sentent pas pareil, des mains qui ne caressent pas dans le même sens, des gouffres qui s’ouvrent sur les dérangements.

- Et alors ?

- Alors les mots deviennent porteurs, même s’ils sont opaques. Ils s’aventurent dans mes mains, parlent direct aux muscles, sans se séparer de l’homme qui parle.

- Et ça t’apporte quoi tout ça ?

- Je sais pas, j’apprends que je ne sais pas quelque chose que je savais.

- Quoi ?

- L’autre est là. Juste là et je lui parle.

Stéphanie

 

Un cours de langue pas comme les autres

Une expérience didactique pour un cours de langue, à travers le conte, ou comment amener naturellement à l’expression orale en continu.

Imagine … je raconte un conte à ma classe … une histoire imagée, au vocabulaire simple avec des actions répétitives, comme dans les histoires, mais où l’histoire t’accroche … Le silence s’installe, tu utilises des gestes, tu répètes certaines phrases … Les yeux des élèves pétillent, tu les as emmenés dans le monde magique du conte, ils te suivent où que tu les emmènes avec tes mots …

L’histoire s’achève. À deux, ils doivent maintenant se raconter la même histoire, l’un à l’autre. L’autre peut éventuellement aider celui en difficulté, pour certains mots … Et puis vient le moment de raconter l’histoire en classe entière. « Qui veut raconter un bout de l’histoire à la classe entière ? » Les plus à l’aise à l’oral et/ou en langue se lanceront avec joie. Tous passeront et permettront aux moins à l’aise d’entendre tant de fois le conte qu’ils auront des billes pour leur propre production.

Et quoi ? L’exercice est plaisant, ludique, chacun devient drôle et peut en jouer. Certains ajouteront leur touche et iront chercher du vocabulaire nouveau pour suivre leur créativité.

Et puis ? Voilà qu’on prend conscience qu’on est capable de s’exprimer quand on a quelque chose à dire.

Anne

Les numéros complets de la revue, les dossiers pédagogiques et les articles qui les constituent peuvent être consultés par les abonné·es connecté·es.
Faute d’abonnement, il est possible de les obtenir au format PDF. [Numéro ou Dossier : 11 CHF; Article : 2 CHF.]
Si disponibles, des éditions imprimées des numéros de la revue peuvent être commandées à secretariat@revue-educateur.net.

S'abonner Accéder au numéro complet

SER

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 59 60

ser@le-ser.ch

CONTACTS

Bureau du Comité du SER

David Rey, président Tél : 079 / 371 69 74

d.rey@le-ser.ch

Olivier Solioz, vice-président

o.solioz@le-ser.ch

Pierre-Alain Porret, SG nommé

p-a.porret@le-ser.ch

Administration

Véronique Jacquier Darbellay

v.jacquier@le-ser.ch

Educateur

Secrétariat

Lundi, mardi, jeudi, de 08h00 à 16h30 et mercredi matin Av. de la Gare 40 / CP 416 1920 Martigny 1 Tél : 027 / 723 58 80

secretariat@revue-educateur.net

Rédactrice en chef

Nicole Rohrbach Tél : 078 / 742 26 34

redaction@revue-educateur.net

Prépresse et régie publicitaire

Sylvie Malogorski Défago Tél : 027 / 565 58 43

communication@revue-educateur.net