Ce mois, la Société pédagogique vaudoise est allée à la rencontre de collègues du cycle 2. Pour se réunir afin de réfléchir, échanger, s’organiser, proposer et surtout pour les écouter sur la réalité du terrain d’aujourd’hui. Il en ressort un paradoxe qui mérite de s’y attarder.

Comme annoncé il y a quelques mois*, la SPV a organisé une matinée de réflexion sur le cycle 2. Cette dernière a rencontré un vif succès et nous reviendrons sur cet événement dans un prochain numéro de l’Educateur.

Mais avant ce retour complet, il est nécessaire, à travers ce billet, de partager le ressenti de certains collègues du cycle 2 sur leur quotidien: le paradoxe de l’hétérogénéité de la classe dans un contexte d’homogénéisation des pratiques professionnelles. On décrivait le métier d’enseignant impossible, mais la situation actuelle semble être à son comble. D’un côté, nous avons la volonté politique de promouvoir une école inclusive et intégrative. Dans les classes vaudoises, plusieurs élèves à besoins particuliers (mesures ordinaires ou renforcées) demandent aux enseignant-e-s vaudois-es un certain nombre d’adaptations. À cela s’ajoute la présence d’élèves ayant des difficultés de comportement et de relation sans pour autant être au bénéfice d’aides particulières. Aujourd’hui, les collègues arrivent tant bien que mal à enseigner selon le Plan d’études romand (PER) et les moyens d’enseignement avec des élèves exigeant la présence de plusieurs spécialistes en classe. De plus, les objectifs d’intégration de ces élèves ne sont parfois pas clairement définis, voire définis sans les enseignant-e-s. Malgré les circonstances, ils agissent en acteurs professionnels.

D’un autre côté, nous avons un système scolaire qui engendre une pression des notes et une sélection scolaire. Par souci d’égalité de traitement ou afin d’éviter des recours, un grand nombre de directives internes tendent à une homogénéisation de pratiques, alors même que le cadre général d’évaluation vaudois s’applique sans restrictions supplémentaires**. Les collègues se voient de plus en plus contraints de faire les mêmes tests au même moment. Ces injonctions leur ôtent toute latitude professionnelle dans les questions pédagogiques. Ils se sentent quelque peu dépossédés de leurs prérogatives professionnelles.

Ainsi, nous avons une volonté d’ouvrir les classes à un grand pan de profils d’élèves afin de privilégier l’intégration d’élèves à besoins particuliers et des élèves en difficulté scolaire en promouvant la différenciation des pratiques pédagogiques et d’évaluation. Différenciation, car il n’est pas possible de tendre aux mêmes objectifs du PER avec des élèves intégrés et les «ordinaires». Or, les injonctions relatives à l’évaluation ne laissent pas ou trop de peu de souplesse aux enseignant-e-s, alors qu’ils doivent justement gérer l’hétérogénéité des élèves. Les enseignant-e-s se trouvent au centre d’une situation paradoxale dans laquelle on leur demande de privilégier et gérer l’hétérogénéité des élèves dans un cadre normatif de plus en plus homogène.

Un peu de souplesse et de confiance feraient un bien immense aux élèves, aux enseignant- e-s et donc à l’ensemble de l’école vaudoise. •

*Il est temps de s’occuper du cycle 2, Educateur 02/2015 et Vers un cycle 2 de qualité, Educateur 01/2016

** CGE, page 43.