Un gars bien ce Gabioud

Un gars bien ce Gabioud

A la fin décembre de cette année, le collier de l’école valaisanne comptera une perle de moins. Pierre-Marie Gabioud, un peu avant l’heure, a choisi de rendre son costume d’inspecteur pour courir sur d’autres chemins que ceux qui mènent aux préaux. Hommage d’un enseignant reconnaissant à un guide avisé.

Au bout du parcours professionnel, le bleu de travail s’accroche au clou avec la certitude de passer du côté gauche du livre de la vie, celui des pages tournées. Quel hommage rendre au personnage central du roman lorsque se clôt un chapitre dans lequel vous avez joué un rôle de figurant? L’appel au surlignage des meilleurs passages lance une tentation. Y répondre pourrait teinter l’exercice de nuances de regrets qui jetteraient du suranné dans les souvenirs. Plutôt que de relire des pages déjà parcourues, nous pouvons faire le choix de poser le livre.

Au-delà des anecdotes, la réflexion nous pousse à ouvrir des yeux neufs sur les traces laissées en nous par le héros de l’ouvrage. D’imperceptibles empreintes semées lors de l’effeuillage d’une opulente collection de calendriers ont forcément orienté les gestes professionnels des ouailles accompagnées. Qu’a-t-il semé cet homme pressé que l’on reconnaît de loin penché vers son but pour arriver plus vite? Son amour de la langue française et l’acharnement mis à faciliter son acquisition aux moins littéraires nous suggèrent le développement d’un échantillon de vocabulaire. Les initiés savent qu’à l’ombre du Petit Robert, un autre dictionnaire, Le Petit Gabioud, compile en quelques pages les valeurs défendues une carrière durant. Il convient de s’affranchir de l’ordre alphabétique pour parcourir une petite partie de ce glossaire.

La première entrée s’appelle «respect». La déclinaison enfantine nous recommande de ne jamais parler de cas à traiter, mais d’une personne à comprendre et à guider. Une personne citée par son prénom lors des discussions et saluée personnellement lors des rencontres fortuites au détour d’un couloir. Ce même respect dans l’observation des gestes pédagogiques lors de visites de classe place le conseil avant le jugement et la proposition avant la stigmatisation en parfait accord avec la place de ces mots dans le dictionnaire.

L’«exemple» arrive ensuite avec son cortège de petites idées proposées et de magnifiques démonstrations pédagogiques qui ouvrent, par le geste, les portes de la compréhension. Une valeur encore magnifiée lorsque l’exemple vise sa quintessence et devient exemplarité.

Suit dans l’inventaire la «modestie». La force du grand réside souvent dans sa capacité à se montrer petit, à être vrai et à rester à sa place tout en suggérant des pistes pour encourager l’autre à monter un peu plus haut sur l’échelle de ses propres qualités.

Arrive enfin, pour conclure ce parcours lexical sans viser une quelconque exhaustivité, la «confiance». Celle que l’on accorde lorsqu’une mission est confiée, mais aussi celle que l’on instille à l’intérieur d’une personne en lui permettant de croire en elle et d’affronter sans béquilles la suite de son parcours. Il est des gens dont la compagnie vous enrichit. Pierre-Marie Gabioud en fait partie.

Merci pour les graines que tu as semées dans nos jardins. Elles ne sont pas tombées en terres incultes. En les cultivant soigneusement, nous aurons encore besoin de toi et sans honte aucune nous nous permettrons de t’importuner encore en explorant Le Petit Gabioud Illustré. En laissant ta place avant l’échéance légale, tu ne cèdes pas et n’abandonnes rien. Au contraire, tu nous glisses malicieusement un message en reprenant à ton compte une pensée empruntée au sage Thucydide: «Il est dans la nature de l’homme d’opprimer ceux qui cèdent et de respecter ceux qui résistent.»

C’est en résistant que tu t’en vas avec tes valeurs. Pendant ce temps, ailleurs dans la hiérarchie, d’autres ne lisent pas les mêmes dictionnaires et endossent chaque matin d’improbables costumes.

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