Que cesse le bal noir de l’absurde!

Que cesse le bal noir de l’absurde!
Le bal débute sur une place sans attrait d’une petite ville qui pourrait ressembler à Venise. Un bal noir. Noir et convenu, un après-midi ordinaire d’un hiver qui l’est aussi.
 
Le garçon traverse la place sans attrait. Il y a un pont. Il y a une rivière. Le pont devenu celui du dernier soupir. Le pont qui griffe la rivière aux mouettes. Celle qui rejoint le lac après qu’elle a couru dans les champs de tourbe de la plaine. Les champs noirs. Les champs noirs de l’hiver. Les champs des aigrettes et des freux.
Il a 17 ans, le garçon. Le garçon ordinaire. Le garçon qui aime la pêche en rivière. Et les champignons des forêts d’automne.
Il a une vie ordinaire, le garçon. Le garçon qui porte un blouson. Le blouson du drame. Le blouson qu’il aime, le garçon. Le garçon qui s’appelle D.
Il traverse la place. Et soudain il s’écroule. Sous un seul coup porté à la tête. Il s’écroule sur le bord tranchant du trottoir. Dans le blouson de la haine. Le garçon qui va mourir de ça. Du coup abject. Du coup dégueulasse et absurde. Le garçon qui est maintenant mort. Le garçon qui a 17 ans pour toujours, qui aimait aller aux champignons et à la pêche avec son père.
L’histoire est maintenant racontée. Cette histoire qui s’arrête, les journaux charognards s’en délectent.
Sur la place, il y a maintenant des fleurs et des passants qui s’arrêtent. Qui s’arrêtent là où c’est arrivé. Sur le lieu ignoble. Le lieu de la nausée.
Le lieu de rassemblement du cortège convenu à venir. Du cortège des affectés. Et de ceux que cela nourrit de participer à ce cortège qui va sceller la scène. Clore le bal, avant qu’un autre n’advienne. Celui qui a frappé est un salaud méprisable, une frappe ordinaire. Que rien ne peut excuser. Rien. Pas même un rebelle sans cause. Juste une des quinze à vingt canailles qui font régner la peur banale dans la ville ordinaire. La ville du lac des cormorans.
Ailleurs, des ados en démolissent d’autres, dans leur collège, avec des matraques, des marteaux. Et personne pour ne pousser l’immense cri qui convient.
Personne pour hurler afin que cessent les tabassages devenus scènes communes. Pour que s’interrompent les brutalités pour rire. Pour dire la confusion des genres. Celle du virtuel et du réel. La comédie ordinaire qui envahit tout. Le cynisme. La légèreté installée dans les coeurs. L’impudence. La gourmandise sordide des médias.
«Que fait l’école?», ils disent les gens dans les cafés. «Que fait la police?», ils répètent. «Que font les parents?»
Alors, de l’école, quelques mots. Pour l’inviter à réhabiliter le sens du tragique. Dès les premiers pas dans la classe, dès les premiers échanges entre élèves et entre les élèves et les maîtres. 
Pour dire que vivre est un combat quotidien de l’âme, que «chaque matin qui se lève doit demeurer une leçon de courage pour l’humanité». Pour assumer le fait que si la vie est trop souvent souffrance, c’est là aussi sa sombre beauté.
Pour dire que si l’enfer ce sont les autres, les mots sont là pour apaiser les maux.
Pour défendre et réhabiliter l’histoire, la poésie, la littérature, l’art et la philosophie. Et le fait que face à notre nature animale, la culture doit demeurer le garde-fou de nos envies primaires.
Quand bien même l’Histoire apprend que rien n’est jamais acquis.
Pour mettre en avant le soleil et les étoiles. Pour ouvrir à l’émerveillement du monde. Pour faire connaître que rien ne vaut une vie, même si elle peut nous être indifférente.
Et pour sévir au premier coup, à la première parole blessante, selon la théorie du carreau cassé. Ne pas attendre que l’entier de la maison ou du quartier ne soit tagué, que n’en subsistent que les ruines. Car on n’en est pas loin.noirs.
 

 

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