Papart, reviens vite, ils ont tout oublié!
En 2003, le docteur Papart, spécialiste des questions de santé au travail, concluait dans son rapport sur l'état de bien-être du corps enseignant genevois que le manque de soutien hiérarchique de proximité était l'une des causes de la grande fatigue constatée chez les enseignants. Ce rapport a déclenché les changements pour un nouveau fonctionnement de l'enseignement primaire, en cours de stabilisation actuellement. Quelque huit ans après, où en est-on?
Le fonctionnement nouveau a été mis en place, les établissements créés, les directeurs intronisés! A la place des vingt-cinq inspecteurs en charge d’environ quatre-vingts classes, des directeurs responsables d’un nombre de classes nettement moins important ont été mis en place. Cela devait permettre à cet échelon hiérarchique d’assurer un vrai soutien aux enseignants dans leur tâche: soulagement du travail administratif, aide dans le suivi des élèves ou les relations avec les familles, par exemple. L’observatoire a fait également son enquête de bien-être du corps enseignant, juste après la mise en place du nouveau système en 2010. Parmi les constats de l’observatoire, la grande démotivation des enseignants a été soulignée. Et ce qui étonne, c’est que ce découragement intervient très tôt dans la carrière. De plus, le phénomène semble s’être accéléré depuis l’enquête du docteur Papart. On est donc loin d’un bien-être généralisé, généré par le nouveau fonctionnement, au contraire! Il faut certes un certain temps pour que le système s’installe et développe ses effets. Cela dit, on comprend mal certaines décisions. Par exemple, dans le cadre de la reconfiguration des établissements que nous vivons depuis deux ans, le mouvement va vers la constitution de plus grands établissements. Les fusions d’établissements visent une cible idéale, selon les recherches de l’observatoire, d’environ 500 élèves dans les régions favorisées et plutôt 300 dans les zones de populations défavorisées. La reconfiguration cherche à atteindre cette taille cible pour tous les établissements et à mieux répartir les ressources.
En effet, les acteurs des petits établissements se retrouvent sans grands moyens pour réaliser des projets, une fois qu’ils ont utilisé les ressources nécessaires à réaliser les tâches incompressibles. La réunion de petits établissements a pour effet d’augmenter l’enveloppe et d’octroyer ainsi une plus grande marge de manœuvre pour des actions au profit des élèves. Soit! Si l’on peut comprendre voire accepter le raisonnement, les décisions se prennent en fonction de l’organisation et des structures de l’enseignement primaire. La SPG ne voit pas pour l’heure ce qui est mis en place pour pallier les désavantages reconnus des grands établissements (dont on augmente le nombre par le biais des fusions): difficulté dans le suivi des élèves, moindre soutien hiérarchique de proximité pour les enseignants (source de fatigue pour les enseignants selon le rapport Papart), charge administrative alourdie, sentiment d’appartenance plus diffus et cohérence pédagogique diluée. Or, ces points relèvent directement de la pédagogie, de ce qui permet aux élèves de progresser dans leurs apprentissages, le cœur du métier en somme! Ils concernent aussi le bienêtre de l’enseignant, et on sait que les élèves ont besoin d’un enseignant bien dans sa peau pour apprendre. C’est là qu’intervient le soutien hiérarchique de proximité, en agissant sur l’environnement professionnel de l’enseignant pour qu’il se sente appartenir à une communauté de travail et d’apprentissage et qu’il puisse donner le meilleur de lui-même pour les élèves qui lui sont confiés.
Alors redisons-le: si les directeurs sont débordés parce qu’ils doivent gérer de trop grands établissements sans les ressources nécessaires à cette gestion, ou parce qu’ils doivent courir et jongler avec les acteurs de plusieurs bâtiments de leur établissement, l’enseignement primaire aura passé complètement à côté des bénéfices attendus du nouveau fonctionnement. Gageons que la direction générale est consciente de ces risques pour proposer des mesures qui accompagneront cette reconfiguration afin de faire de nos établissements des lieux où il fait bon vivre et travailler.
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