Le blues des Papys

Le blues des Papys

 

«Tu comprendras que je me trouve dans une situation délicate. Loin de moi l’idée de jouer au Calimero de service ou au réfractaire à toute nouveauté. Non. Ce qui me pèse le plus, c’est l’ensemble; c’est la somme de toutes ces mesures qui font que, chaque jour, mon envie d’enseigner, mon enthousiasme, ma capacité à susciter la curiosité et l’intérêt chez mes élèves s’étiolent et se fanent.»

L’extrait de message qui sert d’exergue à ce billet illustre d’autres déclarations, orales ou écrites, qui émanent des plus anciens praticiens en exercice dans les classes valaisannes. Quelles sont ces mesures qui poussent un collègue de longue date à s’adresser en ces termes à son président d’association? Commençons par la plus paradoxale: la reconnaissance de la fidélité. En mettant en place une grille de primes échelonnées tout au long de la carrière, l’employeur récompense l’engagement de ses troupes. Cependant, les anciens qui ont franchi tous les paliers avant l’introduction de la mesure se trouvent du mauvais côté de la barrière. Ils félicitent donc leurs heureux collègues jubilaires avec un petit sentiment d’injustice. Deuxième sujet de mécontentement, les allègements horaire de fin de carrière.

Obtenues de haute lutte après plusieurs années de négociations, les trois heures de décharge accordées aux personnes ayant franchi le cap de leur 58e anniversaire viennent de subir une cure d’amaigrissement. En transformant les heures accordées en périodes, l’employeur réalise une mesquine économie sur le dos des plus anciens. Ceux-ci travailleront donc une période de plus que leurs collègues d’une année plus âgés. Ils se trouvent donc une nouvelle fois du mauvais côté de la barrière. La troisième raison est plus grave. Elle touche aux compétences professionnelles. Le temps bonifie les crus qui baignent les chais. Cependant, il appauvrit, paraît-il, les compétences langagières. Les certifications liées aux nouvelles aspirations à la mode ignorent les domaines d’excellence développés tout au long d’une carrière. Elles accordent aux langues étrangères des pouvoirs sélectifs. De ce fait, elles méprisent des compétences essentielles développées pour l’enseignement des autres branches du programme. Nous voilà donc en face d’une nouvelle injustice. Puisqu’il existe un bureau de l’égalité, ne faut-il pas créer un bureau de l’expérience? Cet organe se verrait confier de nobles missions. Loin de stigmatiser les lacunes des anciens, il serait chargé de mettre en évidence les plus-values de la maturité.

Un projet législatif évoque la mise en place d’équipes pédagogiques. Celles-ci devraient distribuer des rôles complémentaires et mettre en valeur la diversité des aptitudes. Il s’agit donc d’éviter à tout prix un formatage basé sur le critère en vogue, mais bien de reconnaître les diverses compétences utiles à tous. Un proverbe africain dit qu’il faut tout un village pour éduquer un enfant. Il est essentiel de tirer profit des différentes facettes des personnalités actives dans nos écoles. Les jeunes se frottent au métier avec enthousiasme. On leur confie souvent les missions les plus difficiles. N’ont-ils pas besoin d’un coaching efficace que l’on pourrait trouver chez leurs aînés? Il n’est pas nécessaire de tuer les papys*. L’enseignant solitaire et omniscient est définitivement mort dans une école qui doit répondre à toutes les demandes. Ne nous privons pas des rondeurs de l’âge et acceptons que la souplesse perdue est souvent remplacée par un bagage dans lequel la philosophie glanée au fil des années est un atout précieux qu’il s’agit de valoriser.

Permettons aux papys de jouer leur rôle jusqu’au bout. La nature se chargera de les exterminer, il n’est pas judicieux que l’institution école anticipe la sélection naturelle.

 

* Pour des raisons évidentes de galanterie, le terme générique de "Papys" n’a pas été féminisé. Il est cependant applicable aux personnes des deux sexes.

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